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REVUE. — CHRONIQUE.

en quantité toujours croissante depuis 1837, y a donné naissance à de magnifiques établissemens industriels, mais qu’elle menace d’un autre côté de porter un coup funeste à la culture des plantes oléifères, qui sont une des richesses de notre sol. Des départemens du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais, où elle s’était d’abord montrée, la production des graines grasses s’est étendue progressivement dans la vallée de la Seine, et elle gagne aujourd’hui les provinces de l’ouest du royaume. On comprend dès-lors que l’importation des graines oléagineuses étrangères, qui, du chiffre de 17,000,000 kilogrammes, est montée en moins de dix ans à plus de 68,000,000, ait dû causer de sérieuses alarmes à l’agriculture française. C’est une phase nouvelle de l’éternel problème posé entre le nord et le midi, entre la culture et la navigation nationales. Appelé à concilier l’intérêt des nombreuses savonneries de Marseille et celui des producteurs de colza, le gouvernement a essayé une transaction sur des bases assez rationnelles.

L’impôt prélevé pour les huiles de toute espèce est en moyenne de 28 fr. par 100 kilogrammes. Or, les graines exotiques ne paient pas aujourd’hui au-delà de 3 fr. À introduire des graines au lieu d’huiles, on trouve donc un bénéfice de 21 fr. au moins pour celles dont le rendement est de 50 pour 100, et de 17 francs sur celles dont le rendement est de 30. Il y a donc un double dommage et pour la production indigène et pour le trésor : le moyen le plus naturel d’y échapper était d’établir le tarif des graines oléagineuses proportionnellement à leur rendement, et c’est ce que propose la loi de douanes. Ce n’est pas là sans doute une solution de principe, mais nous tenons pour prudent de n’en pas chercher gratuitement de cette espèce, lorsque les principes et les intérêts sont à peu près inconciliables.

Le ministre soumet à l’approbation de la législature le traité du 29 août 1842 avec la Sardaigne. Ce traité repose sur le principe de concessions parallèles et réciproques, il assimile les deux pavillons dans les ports respectifs des deux états pour tous les droits maritimes et sanitaires. Il introduit et précise des mesures répressives de la contrefaçon littéraire ; enfin il accorde à la Sardaigne des dégrèvemens spéciaux sur quelques-uns de ses principaux produits en échange de réductions sur nos vins et eaux-de-vie, nos modes et nos porcelaines. La seule question sérieuse que puisse soulever cette transaction diplomatique est celle qui se rapporte à l’introduction des bestiaux sardes, moyennant un droit au poids limité par un maximum de 40 fr. sur chaque pièce. Le droit fixe de 55 fr. par tête, et tel qu’il est aujourd’hui établi, fait supporter au bétail étranger, à raison de la différence de la taille et du poids, les charges les plus inégales : c’est ainsi qu’il est, pour la Sardaigne et pour l’Espagne, du triple de ce qu’il est pour l’Allemagne et pour la Belgique. Un tel tarif, déjà très restrictif sur la frontière septentrionale, a dû arrêter complètement l’importation sur les frontières de l’est et du midi. De là des plaintes réitérées auxquelles il était impossible de ne pas donner quelque satisfaction. Peut-être la chambre trouvera-t-elle qu’on est allé un peu loin dans la concession faite à la Sardaigne ; mais elle consacrera, nous