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blier M. Papety ! (Tentation de saint Hilarion), qui aurait pu effectivement nous échapper. Comment se douter qu’un talent aussi ambitieux, qui ne se plaît que dans les grands espaces et sur les hauteurs, s’était caché là ?

Sur les deux mille quatre cent vingt-trois morceaux exposés, il y a plus de sept cents portraits, c’est-à-dire près du tiers du chiffre total. Avions-nous tort de dire que la fabrique envahissait le salon ? Nous prendrons la liberté de laisser admirer tous ces visages à ceux qui les portent, et nous ne ferons pas servir la critique à l’annonce. Distinguons pourtant l’art de la fabrique.

Le duc de Nemours, par M. Winterhalter, est d’une élégance un peu fade pour un jeune guerrier botté, et dont la main s’approche de la garde de son épée : peinture, du reste, d’un goût distingué et d’une exécution fort adroite.

Le portrait de Mme la princesse de B. est à la fois un malheur et une calomnie. Comment un artiste du talent et du goût de M. Lehmann a-t-il pu se rendre si digne de commisération et si coupable ? On ne comprend rien à cette manière d’interpréter la nature. Et c’est en cherchant le style, le caractère, en courant après quelque idéal probablement introuvable, que M. Lehmann a laissé échapper le corps pour l’ombre, et découpé sur sa toile cette image froide, immobile, morte ! Il y a cependant dans cette singulière peinture, et dans sa singularité même, l’empreinte d’un esprit élevé qui ne va si loin dans l’erreur que pour s’éloigner davantage de la vulgarité. Le portrait de femme, de M. Perignon (salon carré), robe plissée brune, cheveux noirs, les mains rapprochées, est une œuvre moins profondément méditée, mais plus heureuse, et il est peu de portraits du salon qui soient si long-temps regardés. Celui de M. le baron Pasquier n’offre rien qui puisse ajouter à la gloire de M. Horace Vernet, qui n’est pas fondée sur ce genre de peinture. Les petits portraits au pastel de M. Vidal (Pasquita, Needjmè, Noëmi) sont particulièrement remarquables par le caractère élégant et original du dessin, et le goût piquant de l’exécution. On pourrait en distinguer quelques autres, tels que ceux de MM. H. Scheffer, Court, Lepaulle, Brémond, Rouillard, Hesse, Blondel, Dubuffe, Guignet, d’une dame, Mme Lavalard, sans compter ceux de Mme de Mirbel, que nous n’avons pas vus, mais que nous supposons parfaitement semblables à leurs aînés. La plupart de ces talens sont si connus qu’une mention ne peut guères avoir d’autre but que de constater leur assiduité au salon et le zèle qu’ils mettent à mériter le suffrage du public.