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ger les escaliers qui donnaient dans mon appartement, et le roi n’y entre plus que par la pièce de compagnie. Il me prescrivit une règle de conduite que j’observai exactement ; ce changement fit grand bruit à la cour et à la ville, les intrigans de toutes les espèces s’en mêlèrent ; le père de Sacy en fut entouré, et me dit qu’il me refuserait les sacremens tant que je serais à la cour. Je lui représentai tous les engagemens qu’il m’avait fait prendre, la différence que l’intrigue avait mise dans sa façon de penser, etc. Il finit par me dire : « Que l’on s’était trop moqué du confesseur du feu roi quand M. le comte de Toulouse était arrivé au monde, et qu’il ne voulait pas qu’il lui en arrivât autant. » Je n’eus rien à répondre à un semblable motif, et après avoir épuisé tout ce que le désir que j’avais de remplir mes devoirs put me faire trouver de plus propre à le persuader de n’écouter que la religion et non l’intrigue, je ne le vis plus. L’abominable 5 janvier 1757 arriva, et fut suivi des mêmes intrigues de l’année d’avant. Le roi fit tout son possible pour amener le père Desmarêts à la vérité de la religion : les mêmes motifs le faisant agir, la réponse ne fut pas différente, et le roi, qui désirait vivement de remplir ses devoirs de chrétien, en fut privé, et retomba peu après dans les mêmes erreurs, dont on l’aurait certainement tiré, si l’on avait agi de bonne foi.

« Malgré la patience extrême dont j’avais fait usage pendant dix-huit mois avec le père Sacy, mon cœur n’en était pas moins déchiré de ma situation ; j’en parlai à un honnête homme en qui j’avais confiance, il en fut touché et il chercha les moyens de la faire cesser. Un abbé de ses amis, aussi savant qu’intelligent, exposa ma position à un homme fait ainsi que lui pour la juger ; ils pensèrent l’un et l’autre que ma conduite ne méritait pas la peine que l’on me faisait éprouver. En conséquence, mon confesseur, après un nouveau temps d’épreuve assez long, a fait cesser cette injustice, en me permettant d’approcher des sacremens, et, quoique je sente quelque peine du secret qu’il faut garder (pour éviter des noirceurs à mon confesseur), c’est cependant une grande consolation pour mon ame.

« La négociation dont il s’agit n’est donc pas relative à moi, mais elle m’intéresse vivement pour le roi, à qui je suis aussi attachée que je dois l’être ; ce n’est pas de mon côté qu’il faut craindre de mettre des conditions désagréables ; celle de retourner avec mon mari n’est plus proposable, puisqu’il a refusé pour jamais, et que par conséquent ma conscience est fort tranquille à ce sujet, toutes les autres ne me feront aucune peine ; il s’agit de voir celles qui seront proposées au roi, c’est aux personnes habiles et désirant le bien de sa majesté à en chercher les moyens.

« Le roi, pénétré des vérités et des devoirs de la religion, désire employer tous les moyens qui sont en lui pour marquer son obéissance aux actes de religion prescrits par l’église, et principalement sa majesté voudrait lever toutes les oppositions qu’elle rencontre à l’approche des sacremens ; le roi est peiné des difficultés que son confesseur lui a marquées sur cet article, et il est persuadé que le pape et ceux que sa majesté veut bien consulter à Rome,