Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/1059

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui à vaincre que les difficultés de l’exécution. Si l’on y a jusqu’à présent médiocrement réussi, cela tient à ce que l’on avait trop séparé deux mesures naturellement connexes : l’organisation du travail et celle de l’enseignement.

Venons à la question des adultes. Dans son dernier rapport sur le comté de Lancastre, M. Horner disait : « Les femmes ne sont pas des agens libres ; physiquement, elles sont incapables de résister au travail aussi long-temps que les hommes, et les atteintes que reçoit leur santé ont des conséquences beaucoup plus funestes à l’état social. La substitution du travail des femmes à celui des hommes, système qui a pris depuis quelques années une si grande extension, exerce une fâcheuse influence sur la condition des classes laborieuses ; les femmes sont arrachées à leurs devoirs domestiques, et les hommes, trouvant la maison moins comfortable, vont se corrompre ailleurs. Des manufacturiers humains et considérés m’ont souvent pressé de représenter au gouvernement la nécessité d’une loi qui interdirait d’employer les femmes à tout âge plus de douze heures par jour. Cette mesure rendrait plus difficile les excès de travail, et dans les manufactures où l’on voudrait travailler plus de douze heures, on emploierait les hommes qui restent oisifs aujourd’hui ou qui font l’ouvrage des enfans. Par une étrange anomalie, on voit, dans quelques branches de la manufacture de coton, des centaines d’hommes, entre vingt et trente ans, pleins de vigueur, employés comme rattacheurs, et ne gagnant pas plus de 8 à 9 shillings par semaine, tandis que, sous le même toit, des enfans de treize ans gagnent 5 shillings, et de jeunes femmes, entre seize et vingt ans, 10 à 12 shillings. »

C’est pour faire droit à cette réclamation que la loi actuelle limite le travail des femmes dans les manufactures de coton, de laine, de fil et de soie, à douze heures par jour. On s’explique l’importance de la mesure quand on réfléchit que les femmes et les jeunes filles comptent parmi les ouvriers des manufactures dans la proportion d’environ soixante pour cent[1]. Réglementer le travail des femmes, c’est donc limiter par le fait celui des hommes, car aucune fabrique ne peut marcher après que la moitié de ses ouvriers en est sortie ; mais la gravité de cette clause tient beaucoup plus au principe nouveau qu’elle introduit dans la loi, qu’à la limite même à laquelle le ministère s’est arrêté. Bien peu de manufacturiers prolongent aujourd’hui

  1. En 1839, sur 423,735 personnes employées dans les manufactures du royaume-uni, on comptait 245,034 femmes ou jeunes filles, à peu près 58 pour 100 du nombre total.