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si l’on voulait juger du nombre et de l’étendue des contraventions de ce genre, je citerais les lignes suivantes de M. Horner : « Dans le cours de ma dernière inspection, j’ai pu me convaincre qu’il fallait redoubler de vigilance, dans les époques d’activité industrielle, pour empêcher que l’on n’excédât les enfans de travail. Je voyais des enfans dont le certificat portait l’âge de treize ans, et qui n’avaient certainement ni la force ni la taille propres à cet âge. Dans les cas les plus évidens, je crus devoir interposer mon autorité et requérir les preuves qui constataient que ces enfans avaient en effet treize ans. Du 8 septembre au 14 novembre, j’intervins ainsi dans 49 manufactures, et pour 109 cas ; il fut prouvé que sur les 109 enfans, 26 seulement avaient atteint l’âge légal. »

Les adolescens ne sont pas plus épargnés. Dans quelques manufactures, on ajoute à la durée légale du travail en les obligeant à nettoyer les machines pendant le temps accordé pour les repas. Dans d’autres, où l’on travaille plus de douze heures, les jeunes ouvriers au-dessous de dix-huit ans ne quittent l’établissement avant la fin de la journée que lorsqu’on s’attend à la visite de l’inspecteur. Plusieurs manufacturiers, d’accord avec les parens et à l’aide de faux certificats, font passer les adolescens dans la catégorie des adultes. M. Horner cite l’exemple d’une filature de Manchester où de jeunes personnes sont employées depuis six heures du matin jusqu’à neuf heures du soir, sans quitter l’établissement même pour prendre leurs repas ; car la machine ne s’arrête jamais. Cependant l’effet de la clause qui limite à douze heures par jour le travail des adolescens a été généralement de ramener à la même limite le travail des adultes dans les filatures, véritable et peut-être seul bienfait de la loi[1].

On a déjà vu que l’acte de 1833, en n’embrassant que certaines manufactures, donnait une prime à l’emploi des enfans dans les autres ateliers. « Que faites-vous là ? disait M. Ashton à un petit garçon de six à sept ans qu’il trouvait dans une de ses houillères. — Je travaille à la mine, monsieur, en attendant que je puisse travailler à la manufacture. » Ainsi, avant l’âge de neuf ans, la loi exclut directement les enfans ; de neuf à treize ans, l’exclusion n’est plus qu’indirecte, et résulte des restrictions apportées à la durée du travail. D’une part, les manufacturiers n’emploient plus les enfans que dans le cas

  1. « Avant la promulgation de l’acte de 1843, la durée du travail dans les manufactures était en moyenne de quatorze heures par jour ; il se prolongeait souvent toute la nuit. » (Rapport de M. Baker, Sanitary condition, etc.)