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souvent autant de bonheur dans nos villages que dans ceux des peuples à qui nous vendons nos draps et nos calicots. »

Les manufacturiers ne réclamaient pas avec moins de vivacité ; le gouvernement, d’accord avec les chambres, envoya dans les grands centres d’industrie des commissaires qui, après avoir entendu toutes les opinions et vu toutes choses de leurs yeux, devaient lui rapporter une appréciation exacte des faits. Les commissaires, s’étant partagé les districts qu’ils avaient à visiter, purent les étudier à loisir. L’enquête dura trois mois ; les pièces de ce grand procès, mises sous les yeux de la chambre des communes au mois de juillet 1833, n’occupent pas moins de quatre volumes in-folio. L’impression qui en reste après une lecture attentive, sans venir à l’appui de tous les excès signalés dans l’enquête de 1832, en confirme certainement les principales allégations.

Les commissaires déclaraient que les enfans employés dans les manufactures travaillaient durant le même nombre d’heures que les adultes ; que les effets d’un travail aussi prolongé étaient, dans un grand nombre de cas : 1° l’affaiblissement de la constitution[1] ; 2° des maladies souvent incurables ; 3° l’impossibilité tantôt partielle et tantôt complète de profiter des ressources offertes à l’éducation. Ils ajoutaient que ces enfans n’agissaient pas librement, leur travail étant vendu par les parens qui en recevaient le prix ; ils concluaient enfin que l’intervention du pouvoir législatif était nécessaire pour mettre un terme à cet abus, et demandaient que le travail des enfans de neuf à quatorze ans fût limité à huit ou neuf heures par jour.

Ces conclusions devinrent le point de départ de la discussion dans la chambre des communes. Lord Ashley, qui débutait alors dans cette carrière philanthropique, illustrée déjà par les Howard, les Romilly, les Buxton, et remplie aujourd’hui de son nom, venait de renouveler la proposition de M. Sadler. « En considérant les clauses de ce bill, dit le chancelier de l’échiquier, lord Althorp (aujourd’hui lord Spencer), je ne puis m’empêcher de craindre, si la chambre l’adopte dans sa forme actuelle, qu’il n’ait les plus fâcheux résultats pour l’industrie du pays. L’intervention législative, quand elle a pour effet d’ajouter

  1. Le docteur Hawkins, ayant examiné à Manchester la différence qui pouvait exister entre des enfans de différentes conditions, donne le résultat suivant : ¬¬¬
    Sur 350 enfans ne travaillant pas dans les manufactures, Sur 350 enfans travaillant dans les manufactures,
    21 étaient en mauvaise santé 73 étaient en mauvaise santé
    88 dans un état moyen de santé 134 dans un état moyen de santé
    241 en bonne santé. 143 en bonne santé.