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LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALIE.

toutes les attaques à une seule, ils nient la divinité de Jésus-Christ et laissent subsister le dogme et la tradition pour faire de la philosophie nouvelle une ancienne religion, ou d’une ancienne religion une philosophie nouvelle. Pour vous, ajoute-t-il, la rédemption, c’est la révélation de l’idée première qui a toujours été dans l’homme, de l’infini dont la notion est inhérente à la pensée, du souverain bien que Platon avait signalé, de la vie à venir que tous les peuples ont toujours espérée, de la spiritualité, de l’ascétisme contemplatif, dont le principe se retrouve mille ans avant Jésus-Christ dans le bouddhisme, et avant l’Évangile dans l’école d’Alexandrie. Le christianisme a donc révélé ce que l’on savait déjà ; les apôtres ont surpassé les philosophes, mais ils n’ont pas été supérieurs à l’humanité. À ce titre, M. Rosmini peut les appeler les disciples de l’école évangélique ; mais, s’il est chrétien, il l’est à peu près comme Platon ou tout au plus comme Hegel, il l’est autrement que nous ; il parle de l’idée première, nous des prophètes et des miracles ; il parle des quatre mesures de l’intelligence, nous des sacremens et de la messe. Les philosophes doivent lui savoir gré d’avoir imaginé une église fondée sur la raison individuelle, une tradition sacrée établie sur le cartésianisme le plus aigu ; mais son église se trouve peut-être constituée dans quelque université allemande et non pas à Rome, où le saint-siége, seul dépositaire de la foi, est toujours infaillible parce qu’il est au-dessus de la raison. L’intention de M. Rosmini était louable, il voulait gagner les philosophes à la religion ; mais, en s’engageant sur le terrain du rationalisme, il s’est laissé gagner lui-même à la philosophie : il a invoqué la révélation comme un théologien qui reconnaît l’impuissance naturelle de la raison des masses, et il a constitué une église cartésienne comme un philosophe qui croit à la perfectibilité indéfinie de l’intelligence individuelle.

Suivant nous, M. Rosmini n’a pas cherché la religion là où elle se trouve, hors de l’expérience, hors de l’intelligence, dans une suite de prophéties et de miracles ; car la religion se réduit à une démonstration positive de la providence divine, fixée par l’inspiration des poètes et des prophètes, par une poésie inexplicable comme l’art, irrésistible comme le beau. Que l’expérience, que la physique nie les miracles, qu’elle dépouille tous les jours la tradition de son prestige ; qu’à son tour la raison relègue Dieu hors du monde, qu’elle le rende indifférent à la prière, à la vertu, à la moralité : cette double négation, l’une expérimentale, l’autre rationnelle, n’aura d’autre résultat que de mettre en présence la création et le créateur ; comme les deux termes d’un mystère inexplicable. Mais à ce moment même, quand la vérité