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sonnelle, détermine notre moralité. Tout homme se trouvant éclairé par l’idée première ne peut se dérober à la perception du vrai. Une puissance impersonnelle, irrésistible, lui révèle la valeur des choses et le bien qu’elles renferment. Cette connaissance une fois donnée, le désir est possible, et, avec le désir, la volonté, la réflexion, en un mot l’action de notre intelligence volontaire ; c’est là notre propriété, notre responsabilité, notre personnalité. Si l’intelligence volontaire reconnaît la vérité, elle est vertueuse ; si elle la méconnaît, elle est criminelle. Donc le vice est une révolte contre la vérité, le péché un mensonge ; l’homme dépravé se trouve en lutte avec lui-même, c’est une contradiction vivante, il viole l’identité de son être : le remords exprime ce déchirement, cette contradiction intérieure. La morale de M. Rosmini repose sur la réflexion ; l’homme s’élève à la vertu en cherchant à conformer les jugemens de son intelligence personnelle aux lois de l’intelligence impersonnelle ; la justice n’est plus que la pratique de la vérité, et la vérité ne se distingue pas de l’être absolu, de ce Dieu de l’ordre, qui dit à toutes ses créatures : « Aimez-vous comme je vous ai aimés. » Obligés d’aimer les choses en raison du bien qu’elles renferment, nous devons, d’après M. Rosmini, sacrifier la créature inanimée à l’être vivant, la brute à l’homme, respecter la divinité de la pensée dans tous les hommes, et sacrifier, s’il le faut, la création à Dieu, le plus grand de tous les êtres.

Ce roman métaphysique se développe d’une manière bizarre et hardie dans l’Histoire comparée et critique des systèmes sur le principe de la morale. Là M. Rosmini met sa théorie en présence de toutes les théories ; c’est une sorte de défi porté à toutes les philosophies. Il ne se perd pas à décrire les systèmes, à suivre la filiation des idées ; quelques mots suffisent à le mettre en règle avec l’histoire. Le philosophe italien énumère les élémens de sa morale, puis il aborde en masse toutes les philosophies, et d’un seul coup les classe, les expose, les juge et les réfute. Son but est d’interroger les philosophes sur le principe de la moralité ; il commence donc par les diviser en deux classes : les uns nient la moralité (comme Protagoras), ou la connaissent (comme Carnéade) sans vouloir l’avouer. Ces philosophes sont écartés par la force même du système. Restent ceux qui reconnaissent la loi morale ; M. Rosmini doit les analyser tous. Quels sont les élémens de la moralité ? Il y en a quatre : la vérité, la connaissance directe, la volonté libre, l’être. De là quatre classes de moralistes combattus et rejetés parce qu’ils rendent impossible la morale en niant la vérité (sceptiques), ou la connaissance (sensualistes), ou la liberté (cinq classes de fata-