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2o l’éducation nationale, établie à Sparte et à Rome et demandée par Danton en 1793 : elle sacrifie à son tour l’humanité, la famille et l’individu à l’état ; 3o l’éducation de la famille, qui aboutit à la féodalité ; 4o celle de l’individu, indiquée par Épicure et Aristippe, par Rousseau et Helvétius, en un mot par tous ceux qui favorisent la liberté et l’égalité : c’est là l’expression de l’indépendance la plus sauvage ou de l’égoïsme le plus dégradé. Le christianisme, qui embrasse la nature humaine tout entière, ne néglige aucune des quatre tendances de l’homme ; il s’adresse d’abord à l’esprit, c’est-à-dire aux qualités communes à tous les hommes : il accepte ensuite l’état et l’éducation nationale comme un perfectionnement de l’humanité ; la famille s’ajoute à l’humanité et à la nation comme un développement ; enfin l’éducation individuelle se présente dans le christianisme comme le dernier ornement de l’édifice, comme une dernière instruction que l’homme presque seul peut se donner à lui-même. D’après ces idées, M. Rosmini trace un nouveau plan d’éducation depuis les classes élémentaires jusqu’à l’enseignement supérieur : pour obtenir l’unité, il exige que l’éducation soit exclusivement religieuse et soumise à une sorte de conseil royal catholique.

Un poète de Milan, M. Taverna, avait adressé à M. Rosmini quelques idylles pieuses où les patriarches de l’ancien Testament remplaçaient les bergers de Virgile et de Théocrite. Ce fut pour le philosophe italien l’occasion du dernier écrit des Opuscules, où il applique à l’art ses idées sur l’unité à venir. En approuvant le poète, il lui rappelle que le Dieu des patriarches n’est que le Dieu terrible de la nature ; nous avons découvert depuis dans l’Évangile le Dieu de la grace. Trois lois, poursuit M. Rosmini, gouvernent l’art : la vraisemblance, la facilité, le beau. La vraisemblance oblige la poésie à se soumettre aux croyances, et détermine la forme extérieure de l’art. Ainsi la poésie se modifie selon les siècles. L’époque des familles donne l’idylle, la cité donne la comédie ; les nations s’élèvent à l’épopée et à la tragédie ; enfin, lorsque l’intelligence conçoit l’unité du genre humain, les formes poétiques du Tasse, de Corneille, de Dante, nous représentent la monarchie universelle de Dieu. S’arrêtant à l’idylle, M. Rosmini nous indique les diverses phases de la poésie pastorale. Les Grecs séparent nettement la famille et la cité, la campagne et la ville ; chez eux, l’idylle et la comédie ne se confondent jamais. Chez les Romains, la famille est vaincue par l’unité de l’état. Virgile purifie l’idylle, ennoblit les champs de Théocrite, et il y transporte les consuls et les empereurs du monde romain. Le poète latin embrasse la terre entière, il nous