Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/965

Cette page a été validée par deux contributeurs.
961
LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALIE.

plongé dans la sensation, ne pouvait concevoir ni le bonheur de l’ame isolée du corps, ni la vertu qui se réalise par un acte de l’intelligence, abstraction faite des pratiques extérieures ; l’homme était incapable de séparer son bonheur et sa moralité du bonheur et de la moralité de sa famille, et sa famille elle-même était identifiée avec les destinées de la patrie. Il fallait que l’homme apprît à isoler sa personne de la famille et de l’état, qu’il pût distinguer la richesse du bonheur en se sentant malheureux dans la richesse ; il fallait, en un mot, que l’homme apprît à dégager le bien de toutes les circonstances accessoires. C’est Dieu qui fait l’éducation du genre humain. D’abord il récompense par des biens matériels une vertu toute matérielle ; il opère des prodiges ; en présence des miracles, l’intelligence de l’homme commence à distinguer Dieu de la nature, et la distinction subsiste quand la nature agit par la force de ses propres lois sous l’action première du créateur. Par une intervention surnaturelle, la Providence prend sous sa garde une famille, la suit visiblement dans ses destinées, et la protége encore quand elle forme une nation ; puis, au moment où les hommes sont capables de séparer les intérêts de l’état et ceux de la religion, au moment où l’intelligence perfectionnée arrive enfin à concevoir l’abstraction du bien, Dieu donne un corps à l’abstraction, et le Fils de l’homme paraît pour élever à jamais les intérêts du ciel au-dessus des lois de la nature physique. Sans doute, après la rédemption, l’humanité ne cesse pas de regarder les biens matériels comme une récompense, les miracles viennent encore soutenir la foi, mais le mal est appelé à jouer un nouveau rôle dans l’histoire : désormais les souffrances aident notre capacité naturelle à maintenir la distinction profonde entre le bien-être et la moralité. C’est ainsi que le mal purifie l’intelligence.

M. Rosmini a trouvé l’unité de l’histoire dans le plan de la Providence, maintenant il cherche l’unité de l’avenir dans les principes de l’éducation chrétienne. « Aujourd’hui tout est livré au hasard, dit-il ; nos philosophes, nos savans, sont habiles dans les sciences naturelles, dans les affaires, dans l’étude des accidens extérieurs, et tandis que le monde matériel se développe, le monde spirituel est tombé dans une profonde barbarie. Pour nous réhabiliter, il faut revenir à l’esprit, à Dieu ; hors de là, tout est multiple, divisé, accidentel. » Quel sera donc le rôle de l’éducation ? D’après M. Rosmini, l’homme peut être considéré par rapport à l’humanité, à l’état, à la famille et à lui-même. De là quatre modes d’éducation proposés par les philosophes : 1o l’éducation au point de vue de l’humanité ; elle sacrifie les droits de l’état, de la famille et de l’individu à l’unité abstraite du genre humain ;