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ARSÈNE GUILLOT.

pourtant plus calme et plus résignée qu’elle ne l’espérait. Elle reparla de M. de Salligny, mais avec plus de ménagemens que la veille. Arsène, à la vérité, devait absolument renoncer à lui, et n’y penser que pour déplorer leur commun aveuglement. Elle devait encore, et c’était une partie de sa pénitence, elle devait montrer son repentir à Max lui-même, lui donner un exemple en changeant de vie, et lui assurer pour l’avenir la paix de conscience dont elle jouissait elle-même. À ces exhortations toutes chrétiennes, Mme de Piennes ne négligea pas de joindre quelques argumens mondains : celui-ci, par exemple, qu’Arsène, aimant véritablement M. de Salligny, devait désirer son bien avant tout, et que, par son changement de conduite, elle mériterait l’estime d’un homme qui n’avait pu encore la lui accorder réellement.

Tout ce qu’il y avait de sévère et de triste dans ce discours s’effaça soudain, lorsqu’en terminant, Mme de Piennes lui annonça qu’elle reverrait Max, et qu’il allait venir. À la vive rougeur qui anima subitement ses joues, depuis long-temps pâlies par la souffrance, à l’éclat extraordinaire dont brillèrent ses yeux, Mme de Piennes faillit à se repentir d’avoir consenti à cette entrevue ; mais il n’était plus temps de changer de résolution. Elle employa quelques minutes qui lui restaient avant l’arrivée de Max, en exhortations pieuses et énergiques, mais elles étaient écoutées avec une distraction notable, car Arsène ne semblait préoccupée que d’arranger ses cheveux et d’ajuster le ruban chiffonné de son bonnet.

Enfin M. de Salligny parut, contractant tous ses traits pour leur donner un air de gaieté et d’assurance. Il lui demanda comment elle se portait, d’un ton de voix qu’il essaya de rendre naturel, mais qu’aucun rhume ne saurait donner. De son côté, Arsène n’était pas plus à son aise ; elle balbutiait, elle ne pouvait trouver une phrase, mais elle prit la main de Mme de Piennes et la porta à ses lèvres comme pour la remercier. Ce qui se dit pendant un quart d’heure fut ce qui se dit partout entre gens embarrassés. Mme de Piennes seule conservait son calme ordinaire, ou plutôt, mieux préparée, elle se maîtrisait mieux. Souvent elle répondait pour Arsène, et celle-ci trouvait que son interprète rendait assez mal ses pensées. La conversation languissant, Mme de Piennes remarqua que la malade toussait beaucoup, lui rappela que le médecin lui défendait de parler, et, s’adressant à Max, lui dit qu’il ferait mieux de faire une petite lecture que de fatiguer Arsène par des questions. Aussitôt Max prit un livre avec empressement, et s’approcha de la fenêtre, car la chambre était un