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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

le Hanovre, qui n’était pour lui que le berceau de sa famille ; sa longue existence devait se terminer sans qu’il eût quitté une seule fois le territoire insulaire. Enfin, on pouvait dès-lors distinguer en lui une incontestable honnêteté de caractère, l’amour du bien, le sentiment du devoir, des goûts simples, un esprit sérieux.

Malheureusement cet esprit, dépourvu d’élévation, était susceptible de tous les préjugés de situation, de tous ceux que l’éducation pouvait y faire germer, et les idées qu’y avaient déposées les personnes chargées du soin de son enfance n’étaient pas fondées sur une intelligence bien nette du gouvernement constitutionnel. Sa mère, la princesse douairière de Galles, et lord Bute, qui possédait toute la confiance de cette princesse, intimement liée aux tories et en opposition presque permanente contre l’aristocratie whig, avaient nourri le jeune héritier de la couronne dans une aversion défiante contre ces grandes familles qui, maîtresses du parlement, tenaient depuis cinquante ans la royauté dans une véritable tutelle. George II n’avait sans doute pas été étranger à ce sentiment ; mais, chez lui, il était plus que balancé par la haine que lui inspiraient les tories, en qui ce prince avait vu long-temps les ennemis plus ou moins déclarés de sa dynastie. Georges III, au contraire, ne les avait connus que transformés, complètement guéris de leurs penchans jacobites et disposés à reporter à la maison de Hanovre ces principes de religion monarchique qui naguère encore les empêchaient de se rallier à sa cause. Tout attirait donc vers eux un jeune prince naturellement jaloux de son autorité. Lord Bute d’ailleurs avait plus d’un motif pour l’entretenir dans ces dispositions. Avec de l’intelligence, un sens assez droit à beaucoup d’égards, un caractère modéré et bienveillant, des manières imposantes qui pouvaient faire illusion au premier abord, ce seigneur manquai tout à la fois de résolution, d’éloquence, d’esprit d’insinuation. Ne pouvant compter par conséquent, pour arriver et se maintenir au pouvoir, que sur la faveur de son souverain, il devait préférer le système politique dans lequel cette faveur eût constitué un titre suffisant.

Écarter du ministère les hommes qui, séparés ou réunis, l’avaient constamment occupé depuis Walpole, n’y admettre que ceux qui se résigneraient à ne plus y figurer comme les représentans d’une opinion et d’un parti, donner à la volonté et aux affections du monarque une influence prépondérante dans la conduite des affaires et dans la distribution des emplois, tel était donc le but instinctif de la politique du nouveau roi et de son favori. Cependant ils ne la manifestèrent pas tout entière dès le premier moment ; il est même probable qu’ils