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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

plus précieuses possessions. Il serait trop long d’énumérer les succès qui couronnèrent ces audacieuses entreprises, presque toutes heureusement accomplies, parce qu’alors même que les projets de Pitt n’étaient pas parfaitement combinés, son invincible persévérance finissait par réparer les vices de la première conception et par jeter sur quelques échecs de détail l’éclat éblouissant du résultat définitif. En moins de quatre années, le Sénégal fut conquis ; le Canada, bien que vigoureusement défendu, passa sous la domination britannique ; les établissemens français dans l’Inde, la Guadeloupe, la Dominique, la Désirade, Marie-Galande, éprouvèrent le même sort ; sur les côtes de France, Belle-Île succomba ; les flottes britanniques, victorieuses dans presque toutes les rencontres, purent impunément venir attaquer et brûler les vaisseaux français presque dans les ports et les bassins de Saint-Malo, du Havre, de Cherbourg ; la prise ou la destruction de quarante-quatre vaisseaux de ligne, de soixante-une frégates, de trente-six corvettes, réduisit la marine de la France à un tel état de faiblesse, qu’elle cessa d’opposer, sur aucun point, la moindre résistance, et que le commerce, qu’elle n’était plus en mesure de protéger, se trouva anéanti.

L’Angleterre, à peine sortie d’un état d’affaissement et de marasme politique, s’était ainsi élevée en un moment à un degré de puissance et de grandeur qui rappelait les plus brillantes époques de son histoire. Cette fois, ce n’était point comme naguère au temps de la reine Anne, comme plus tard dans les guerres contre Napoléon, à l’aide d’une coalition puissante qu’elle accablait la France ; c’était au contraire par ses propres forces, aidée seulement de l’alliance prussienne, qu’elle triomphait du gouvernement français, allié aux plus puissans gouvernemens de l’Europe ; et pour qu’il ne manquât rien à la gloire de Pitt, pour qu’il fût bien évident que ces grands résultats lui étaient uniquement dus, il se trouvait que parmi les habiles capitaines qui concouraient, tant sur mer que sur terre, à l’accomplissement de ses projets, aucun n’était doué de facultés assez éminentes et ne jetait personnellement un assez grand éclat, pour en partager l’honneur avec lui. Entre tous ces braves guerriers, le seul colonel Clive, ce fondateur de l’empire britannique dans l’Inde, mérite peut-être, par l’audace et l’originalité de son génie, d’être compté au nombre des hommes vraiment supérieurs.

En présence de ces succès prodigieux, l’Angleterre était devenue unanime. Tous les partis étaient ralliés dans un sentiment d’admiration et de respect pour le ministre qui avait fait succéder de si écla-