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vention de Closterseven, il confia au duc Ferdinand de Brunswick le commandement d’une armée anglo-hanovrienne qui tomba à l’improviste sur les Français, les chassa de l’électorat, les ramena jusqu’au Rhin, et les réduisit à la défense de leur propre territoire. Dans le même moment, Frédéric battait les Autrichiens à Lissa en Silésie. En deux mois, tout avait changé de face.

Je ne poursuivrai pas le récit de cette lutte, qui, pendant sept années, inonda l’Allemagne de sang. Elle eut deux théâtres bien distincts. Entre la Prusse d’une part, l’Autriche et la Russie de l’autre, c’étaient de vraies batailles de géans, des campagnes terribles et savantes, presque comparables à celles qui devaient étonner le monde cinquante ans plus tard. Entre les Français et les Anglo-Hanovriens, les hostilités avaient plutôt le caractère d’une de ces guerres de postes et de surprises mêlées d’alternatives diverses, dont le seul résultat est de faire la réputation de quelques généraux du second ordre. Les Français, plus souvent vaincus, ne purent jamais être chassés définitivement de l’Allemagne ; mais jamais non plus ils ne parvinrent à s’y établir un peu solidement. C’était tout ce que Pitt pouvait désirer. Réduit à l’alliance de la Prusse seule, il ne lui était pas permis d’espérer, sur le continent, cette supériorité que l’Angleterre, aidée d’une grande partie de l’Europe, y avait conquise du temps de Marlborough ; il lui suffisait d’empêcher que la France y fit elle-même des conquêtes qui, lorsqu’on aurait à traiter de la paix, pussent donner au cabinet de Versailles, comme à la fin de la guerre précédente, les moyens de racheter les colonies qu’on lui aurait enlevées au-delà des mers. C’était de ce côté, c’était sur cet élément si favorable à l’Angleterre que Pitt s’était préparé de bonne heure à porter les plus grands coups à la France. L’Angleterre possédait, par rapport à sa rivale, une supériorité de forces maritimes qu’elle avait augmentée encore en lui enlevant, avant toute déclaration de guerre, cinq cents bâtimens de commerce avec les matelots qui les montaient. Le gouvernement français, pour compenser autant que possible son infériorité, avait eu l’idée de confier aux Hollandais certains transports dont la neutralité de leur pavillon eût garanti la sûreté ; Pitt déjoua cette tentative en ordonnant de saisir tout navire hollandais chargé pour le compte de la France.

Cependant des escadres nombreuses, équipées avec une merveilleuse rapidité, allaient, dans toutes les directions, détruire les escadres du gouvernement français, incendier ses ports, ravager ses côtes et porter au loin des troupes de débarquement destinées à lui ravir ses