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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

trée du territoire germanique. Frédéric, ainsi assuré de n’être pas complètement abandonné à la ligue formidable conjurée contre lui, s’était décidé à prévenir ses attaques : par une heureuse initiative, il avait conquis la Saxe et enlevé l’armée de l’électeur coalisé avec ses ennemis.

Pitt, trouvant les affaires ainsi engagées, commença par resserrer, au moyen de nouveaux arrangemens, les liens qui unissaient l’Angleterre à la Prusse. La première fois qu’il prit la parole dans la chambre des communes après la réunion du parlement, ce fut pour appuyer la demande d’un subside de deux cent mille livres sterling, au prix duquel le gouvernement prussien s’engageait à concourir à la défense du Hanovre. Fox trouva dans une pareille demande une occasion de sarcasmes piquans contre l’ancien antagoniste du Hanovre et des subsides. Les conjonctures étaient telles, qu’à vrai dire il y avait plus d’apparence que de réalité dans la contradiction reprochée à Pitt : aussi parut-il s’en inquiéter fort peu. — Il se montra plus complètement conséquent à lui-même en faisant voter un but qui, par l’établissement d’une milice bien organisée, mettait la Grande-Bretagne en mesure de repousser une invasion sans appeler à sa défense des soldats étrangers. À la tête de cette milice, il eut soin de placer les principaux propriétaires des comtés, les hommes appartenant à cette classe qu’on appelle en France la noblesse de province. C’était dans son sein que le torysme et même le jacobitisme avaient conservé le plus d’adhérens, et jusqu’à cette époque elle s’était maintenue en grande partie, à l’égard de la maison de Hanovre, dans une attitude d’isolement et d’opposition plus ou moins prononcée. Pitt comprit que dans l’état désespéré où était tombée la cause des Stuarts, alors que Charles-Edouard, naguère si brillant, éteignait dans d’obscurs désordres l’ardeur de son héroïsme, et que son frère venait en acceptant le cardinalat, d’élever une barrière nouvelle entre leurs espérances et le trône enlevé à Jacques II, le parti qui semblait encore attaché à la dynastie déchue n’était plus qu’une illusion sans danger, il comprit que pour en détacher ceux qui y tenaient encore par loyauté, par souvenir, par une exagération de délicatesse, il suffisait de leur ménager une transition honorable, et que cette condition était merveilleusement remplie par la mesure qui les appelait à défendre éventuellement le pays contre une agression étrangère. — C’est dans le même esprit qu’il fit lever, parmi les montagnards d’Écosse, si dévoués quelques années auparavant à la cause du prétendant, un corps de deux mille soldats destinés à aller combattre les Français dans le Canada. Ces monta-