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l’Europe et au monde. Entre l’Angleterre d’une part, la France et l’Espagne de l’autre, les choses furent exactement rétablies sur le pied où elles étaient avant la guerre. Ces questions de contrebande et de visite qui, malgré tous les efforts de Walpole, avaient mis aux prises les cours de Londres et de Madrid, ne reçurent pas même une solution. On sembla reconnaître qu’elles n’en étaient pas susceptibles, et il n’en fut fait aucune mention dans un traité particulier conclu quelque temps après entre ces deux cours pour régler leurs rapports commerciaux. Un membre des communes ayant objecté, lorsque ce traité fut présenté à leur approbation, que le droit de visite n’y était pas aboli, Pitt fit à ce sujet un aveu remarquable : « J’ai été autrefois, dit-il, l’avocat de semblables réclamations. J’étais jeune alors. J’ai maintenant dix ans de plus, je considère plus froidement les affaires publiques, et j’ai acquis la conviction que, pour que l’Espagne renonçât au droit de visiter les bâtimens anglais sur les côtes de ses colonies, il faudrait qu’elle eût été réduite à cette situation extrême où le vaincu subit toutes les conditions qu’il plaît au vainqueur de lui imposer. » C’était là, certes, une rétractation non équivoque. Déjà, dans une autre occasion, Pitt avait confessé d’une manière plus explicite encore les torts de son ancienne opposition. Le souvenir de Walpole s’étant présenté à lui au milieu d’une discussion où il soutenait une mesure proposée dans l’intérêt du pouvoir, il n’avait pas hésité à faire un pompeux éloge de cet ancien ministre, à s’accuser de l’avoir combattu, et à dire qu’il vénérait sa mémoire.

Cependant une opposition nouvelle s’était organisée sous le patronage du prince de Galles, ouvertement brouillé avec le roi. Formée en partie des restes du torysme, elle avait peu à peu acquis beaucoup de force et même une assez grande popularité. Comme toutes les oppositions, c’était au nom de la liberté menacée, des intérêts nationaux méconnus dans les rapports du pays avec les étrangers, qu’elle avait levé son drapeau. Néanmoins, le ministère se soutenait, parce qu’il continuait à se composer des chefs des partis influens, parce que les premiers orateurs de la chambre des communes siégeaient parmi ses défenseurs. Henri Fox, depuis lord Holland, William Murray, depuis lord Mansfield, le premier secrétaire de la guerre, le second avocat-général, étaient alors, avec Pitt, ses principaux champions.

La mort du prince de Galles, survenue en 1751, eut pour effet de dissoudre la coalition qui commençait à menacer le cabinet et dont les élémens hétérogènes ne pouvaient rester long-temps unis après la rupture du seul lien qui y tînt lieu de principe commun. Toute lutte