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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

avait donné pour successeur le payeur-général de l’armée, Henri Pelham, qui ne tarda pas à être créé aussi chancelier de l’échiquier (juillet 1743) ; Pelham, je l’ai déjà dit, était frère du duc de Newcastle, l’un des secrétaire d’état. Tous deux avaient fait partie de l’administration de Walpole. Le nouveau chef du cabinet, sans posséder des talens du premier ordre, était un homme de sens, d’expérience et de modération. Le duc, personnage ridicule et médiocre, mais considérable par son rang et par son immense fortune, puisait dans l’excès de son ambition, si l’on peut honorer de ce nom l’amour démesuré des jouissances du pouvoir, une souplesse de caractère et une aptitude à l’intrigue qui le maintinrent pendant quarante ans dans tous les cabinets successifs. Ces deux frères, étroitement unis malgré des dissentimens passagers, étaient appelés par le concours de leurs facultés très diverses à exercer une grande influence. Ils voyaient avec jalousie le crédit que lord Carteret, devenu lord Granville par la mort de sa mère, s’était acquis sur l’esprit du roi ; ils éprouvaient aussi quelque inquiétude des rapports d’intimité dans lesquels il était resté avec lord Bath, le célèbre Pulteney. Prévoyant d’ailleurs que son extrême impopularité ne lui permettrait pas de résister bien long-temps aux attaques de l’opposition, ils résolurent de se séparer de lui assez tôt pour ne pas être enveloppés dans sa disgrace. — À cet effet, ils s’abouchèrent avec lord Cobham et ses amis. Ils lui proposèrent la formation d’une administration nouvelle dont lord Granville serait exclu, où entreraient plusieurs cobhamites, et dont le principe avoué serait la diminution du subside hanovrien. Une seule difficulté arrêta quelque temps la conclusion de cette négociation. Le ressentiment que les injurieuses attaques de Pitt avaient inspiré au roi ne permettait pas de croire que ce prince consentît à lui faire une part dans la répartition des fonctions publiques. D’un autre côté, l’opposition ne pouvait laisser proscrire ainsi le plus puissant de ses chefs. On finit pourtant par s’arranger : le duc de Newcastle promit d’employer toute son influence à vaincre les préventions royales, pourvu qu’on lui en laissât le temps, et sur cette parole Pitt consentit à ajourner ses prétentions.

Il ne restait plus qu’à exécuter cette espèce de complot. Le parlement était sur le point de se réunir. Dans un conseil de cabinet tenu pour préparer les matières qui devaient lui être soumises, lord Granville proposa de demander les fonds nécessaires pour solder, comme les années précédentes, seize mille soldats hanovriens. Il trouva cette fois une résistance inattendue ; et lorsqu’on alla aux voix, la majorité