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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

ainsi outragé, il recherchait les conseils de l’homme d’état qu’il avait si prématurément stigmatisé comme accablé sous la décrépitude d’une vieillesse corrompue.

Chaque jour, les attaques dirigées contre Walpole devenaient plus vives et plus pressantes. Un membre de la chambre des communes proposa une adresse au roi pour demander qu’il fût éloigné des affaires. Pitt appuya la proposition. Il accusa le ministre d’avoir constamment travaillé à l’agrandissement de la maison de Bourbon, de s’être rendu l’esclave de la France, d’avoir imprimé à la guerre engagée contre l’Espagne une direction funeste qui avait coûté la vie à des milliers de soldats anglais. — En dépit de ses efforts, le projet d’adresse fut repoussé mais ce devait être là le dernier succès de Walpole. Il sentait lui-même l’affaiblissement de son parti, et ne pouvant se résigner à une retraite dont il avait laissé échapper l’occasion opportune et favorable, certain d’ailleurs de la confiance illimitée du roi, il se raidissait de toutes les forces qui lui restaient, il frappait à toutes les portes pour prolonger son pouvoir expirant. Un fait à peine croyable, mais irréfragablement démontré par des documens authentiques, c’est qu’il essaya d’entrer en négociation avec le prétendant, alors retiré à Rome, et lui fit offrir de travailler à lui rendre le trône, si les jacobites étaient autorisés à voter pour les candidats ministériels dans les élections générales qui se préparaient. Le piége était si grossier, que le prétendant lui-même n’y fut pas pris, malgré cette inépuisable crédulité qui rend les émigrés accessibles à toutes les illusions.

Le résultat des élections donna à l’opposition une majorité incontestable. Walpole essaya pourtant encore de faire face à l’orage : il attendit la réunion du parlement ; mais après plusieurs échecs successifs, il dut enfin subir la loi de la nécessité. Le 5 janvier 1742, il donna sa démission après s’être fait conférer la pairie sous le titre de comte d’Oxford. Consulté par le roi sur la formation d’un nouveau cabinet, il mit une habileté machiavélique à diriger les négociations qui s’ouvrirent dans ce but, de manière à diviser le parti victorieux, à empêcher l’administration nouvelle de s’établir solidement, enfin à se préparer un retour prompt et triomphant dont se flattait encore son incurable ambition. Il est probable que cet espoir eût été trompé alors même que sa mort, survenue deux ans après sa retraite, n’eût pas coupé court à tous ses projets ; cependant il vécut assez pour voir la dissolution complète de la coalition sous laquelle il avait succombé, et la chute irrémédiable, l’humiliation profonde de son grand rival, William Pulteney.