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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

chiques. Quelle que soit, d’ailleurs, la part qu’on voudra faire à l’esprit d’imitation dans les faits dont nous avons été témoins il y a dix ans, il est impossible de ne pas être frappé du parallèle qu’ils continuent à former avec les faits correspondans de l’histoire d’Angleterre, parallèle incomplet sans doute à quelques égards, mais dont les termes sont, cependant, plus multipliés, plus minutieux même que ne le pensent ceux qui n’ont sur ce sujet que des notions générales.

On eût pu croire qu’après avoir vu une fois encore les annales de la Grande-Bretagne devenir pour la France comme un recueil de prophéties où il nous avait été donné de lire d’avance nos destinées, la curiosité, de plus en plus excitée par une coïncidence aussi soutenue, chercherait de nouvelles révélations dans cette espèce de livre sibyllin toujours ouvert devant nous, et que nous mettrions quelque prix à savoir exactement comment s’était consolidé et affermi, de l’autre côté de la Manche, le grand changement dont nous venions de présenter la reproduction presque complète. La tâche de nous initier à cette période de l’histoire d’Angleterre s’offrait comme un vaste champ ouvert à nos historiens et à nos publicistes, et on devait présumer qu’ils y trouveraient d’autant plus d’attraits que ce champ n’avait pas été exploré, que l’ignorance la plus absolue régnait, parmi nous, sur tout ce qui a suivi l’avènement de Guillaume III.

Au moment où j’écris, cette tâche n’a pas été accomplie, cette ignorance est encore aussi profonde[1]. On sait vaguement, en France, que Guillaume, roi en Hollande et stathouder en Angleterre, suivant une expression consacrée, employa les quatorze années de son règne en efforts impuissans pour dominer l’opposition successive des tories et des whigs : on a des données un peu plus précises sur les luttes de ces deux partis pendant le règne de la reine Anne, parce qu’elles eurent pour résultat de sauver la France en dissolvant la grande alliance formée contre Louis XIV, parce que, d’ailleurs, l’éclat de la polémique soutenue avec tant de talent par les Swift, les Steele, les Addison, les Bolingbroke, attache à ces luttes cette espèce d’intérêt littéraire qui est pour les faits politiques la plus sûre garantie d’un grand lointain retentissement ; mais nos connaissances historiques ne vont pas plus loin. Il est peu de personnes qui ne considèrent l’in-

  1. Nous ne devons pas oublier cependant que M. Duvergier de Hauranne travaille à une histoire parlementaire de la Grande-Bretagne, que l’on dit assez avancée. Si quelqu’un était appelé, par ses études antérieures, à tenter une pareille entreprise, c’est assurément l’honorable publiciste. Nos lecteurs savent tout ce qu’on peut attendre d’un esprit aussi distingué.