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REVUE. — CHRONIQUE.

Le projet sur la chasse, qui s’élabore si péniblement au Palais-Bourbon au milieu d’une grêle d’amendemens, est une preuve de plus du danger de codifier certaines matières. Les difficultés de principes naissent en foule, parce qu’on a voulu présenter un grand ensemble alors qu’il aurait suffi de quelques dispositions de détail contre le braconnage de nuit et la vente du gibier après la clôture légale de la chasse, fixée par arrêté préfectoral. Quoi qu’en ait dit M. Maurat-Ballange, cette loi ne nous fera pas rétrograder jusqu’au XIVe siècle, et ne mettra pas la France dans le cas de regretter la rigueur des prescriptions féodales sur la matière ; mais elle a le tort de créer des pénalités évidemment exagérées, de préparer, par la suppression du bénéfice des circonstances atténuantes, une injustifiable dérogation au droit commun ; elle a le tort plus grand d’investir les préfets d’un pouvoir qui paraîtrait toujours exorbitant en principe, alors même que ces magistrats se trouveraient par le fait dans la constante impossibilité d’en faire usage. Ces vices du projet, universellement reconnus, ont placé le cabinet dans l’alternative de voir sa loi rejetée ou de consentir à la laisser refaire. Il a prudemment agi en prenant ce dernier parti.

La commission du budget a été nommée après un débat dans les bureaux qui paraît avoir eu une assez grande portée. Quoique la majorité des membres de cette commission appartienne aux diverses nuances du parti conservateur, on peut tenir pour assuré que le terrain de l’année dernière ne sera pas déserté, et que les commissaires résisteront énergiquement à toutes les dépenses dont la nécessité ne serait pas démontrée. L’effectif demandé de 344,000 hommes subira une notable réduction, si l’on s’en rapporte aux dispositions manifestées dans les bureaux. Le ministère en est, dit-on, tellement convaincu, qu’il annonce déjà l’intention de ne pas livrer cette année une lutte sur l’issue de laquelle il ne saurait entretenir de doute. La commission du budget rencontrera donc des voies en quelque sorte préparées et des dispositions faciles dont elle ne manquera pas de profiter. Le budget de l’exercice 1845 est sans doute en équilibre ; n’oublions pas pourtant qu’il ne se balance que par une somme de 800,000 francs, en admettant même que certains articles de recette ne soient pas exagérés. Or, comment croire que, dans le cours de dix-huit mois, des crédits supplémentaires n’absorberont pas une somme fort supérieure à celle-là, et qu’aucune éventualité ne viendra déranger une telle balance ? L’opinion des hommes compétens, qui rendent d’ailleurs une éclatante justice aux efforts et aux combinaisons financières de M. Lacave-Laplagne, est que, dans les conditions les plus favorables, l’exercice prochain se soldera par un découvert de 12 à 15 millions au moins, somme qu’il importe de retrouver par une diminution de l’effectif de la guerre et une meilleure administration des services de la marine. On peut affirmer, sans crainte d’être démenti par l’évènement, que telles seront les conclusions qu’aura mission de soumettre à la chambre le futur rapporteur du budget ; et pour qui connaît la situation parlementaire du cabinet,