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térieures avec prudence, mesure et moralité ; si, après l’incident de la dotation et l’incident qui a amené la démission de M. de Salvandy, elle trouve que le principe constitutionnel est sauf, et la couronne vraiment couverte ; si enfin le ministère est à ses yeux en état de remédier aux maux qui se manifestent, et de conjurer les dangers qui apparaissent ; dans ce cas, cette portion du centre peut, en continuant de voter avec le ministère, non le faire gouverner, mais le faire vivre quelque temps encore. S’il lui paraît au contraire que, bonne ou mauvaise à l’origine, l’œuvre du ministère est finie, et qu’il ne peut plus que compromettre les grands intérêts qui lui sont confiés, il ne faut pas que de mesquines considérations l’arrêtent, et que de vaines frayeurs l’empêchent de faire son devoir. Il est permis de sourire quand on voit le ministère actuel prendre à son compte le raisonnement que les principaux de ses membres trouvaient si étrange en 1839, et prétendre que le jour où il tombera, l’ordre et la paix pourront bien tomber avec lui. Heureusement pour la France, l’ordre et la paix ont de plus profondes racines dans le pays. L’opposition d’ailleurs, je le répète, n’a aucun intérêt à renverser le ministère par surprise, par intrigue, et sans que chacun sache parfaitement ce qu’il fait. Il est même beaucoup de ses membres qui pensent que son triomphe, s’il est retardé, n’en sera que plus complet, et qu’elle obtiendra dans quelques mois ce qu’elle n’obtiendrait peut-être pas aujourd’hui. C’est donc aux hommes modérés du centre à voir ce qu’il leur convient de faire. L’opposition constitutionnelle attend fort patiemment leur détermination, et, dans tous les cas, reste plus que jamais convaincue que l’avenir lui appartient.


P. Duvergier de Hauranne.