nisation ? jetez les yeux sur cette eunice sanguine, magnifique espèce très commune à Bréhat, et dont la taille est quelquefois de deux pieds et demi. Vous croyez peut-être, d’après cette circonstance, qu’une anatomie détaillée de cet animal est chose assez peu difficile. Essayez, et vous ne tarderez pas à reconnaître votre erreur. Ce corps est divisé en anneaux qui n’ont guère qu’une ligne et demie de long sur huit à dix lignes de large. Chercher dans cet étroit espace les muscles qui meuvent l’animal, l’intestin qui l’alimente, les vaisseaux qui le nourrissent, les nerfs qui l’animent, est une entreprise d’autant moins aisée que tous ces tissus se ressemblent presque entièrement. Ne vous découragez pourtant pas ; fixez votre annélide sur de la cire noire sous une mince couche d’eau : armez votre œil d’une simple loupe, vos mains de pinces très fines et d’aiguilles à cataracte en guise de scalpels : enlevez cette peau si richement irisée, et dont le microscope vous révélera la structure treillissée qui lui donne ses riches couleurs ; puis découvrez couche par couche les organes qui se présenteront, et les découvertes que vous ferez paieront amplement vos peines.
Commencez par le système nerveux, cet appareil dominateur dont on a dit qu’il était l’animal tout entier. Voici d’abord le cerveau placé dans la tête, à la face dorsale du corps. Il envoie des nerfs aux yeux et aux antennes, organes de la vue et du toucher. En arrière, il donne naissance à un système nerveux secondaire qui se distribue en entier à la trompe et à l’œsophage ; en avant, un autre système spécial se porte aux lèvres et leur communique sans doute la propriété de distinguer les saveurs. Sur les côtés naissent deux bandelettes qui forment un anneau autour de la cavité buccale, et viennent se rejoindre à la face ventrale sous l’appareil digestif. À partir de ce point commence une espèce d’échelle composée de deux cordons étendus d’une extrémité à l’autre du corps, et que rattache l’un à l’autre dans chaque anneau une masse oblongue appelée ganglion. Ces ganglions sont les centres nerveux qui animent les anneaux, et, pour tuer un de ceux-ci, il suffit d’enlever ou de détruire d’une manière quelconque le ganglion qui lui appartient. De chacun de ces centres partent de chaque côté cinq troncs nerveux qui distribuent leurs rameaux à l’intestin, aux muscles du corps et des pieds. Comme le nombre des anneaux est d’environ trois cents, il s’ensuit que notre annélide possède un cerveau ou centre nerveux principal, trois cents centres secondaires, et trois mille troncs nerveux, sans compter ceux des lèvres et de la trompe.