Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
L’ISTHME DE PANAMA.

au-dessus du Trinidad, on s’avancerait en ligne droite jusqu’aux sources du Bernardino proprement dit, et on le suivrait jusqu’à 5 kilomètres environ de la baie de Chorrera. On prendrait ensuite à gauche pour contourner les collines de Cabra (nommées collines de Biqué sur les plans de M. Morel), en passant à leur pied du côté de la mer. On continuerait ainsi jusqu’au Rio Farfan et au Rio Grande. Par l’un et l’autre de ces tracés, le canal est très court, et le point de partage est déprimé à un degré inespéré. Entre le lac Vino Tinto et l’Yequas, M. Morel le trouvait de 11 mètres 28 centimètres seulement au-dessus de la mer moyenne à Panama. En venant du confluent du Trinidad et du Chagres rejoindre le Bernardino proprement dit, il ne l’a plus trouvé qu’à 10 mètres 40 centimètres. Il suffirait que la mer montât de la hauteur d’une des maisons les plus basses de Paris pour que les deux océans fussent joints naturellement, et que l’Amérique méridionale devînt une île entièrement séparée de l’Amérique du Nord. Et comme rien n’est plus facile ni plus usuel que de creuser des tranchées de 15 à 16 mètres de hauteur, et qu’on va même sans très grand effort jusqu’à 20 mètres, on voit qu’en restant dans la limite des travaux habituels, on pourrait creuser le canal, même en donnant à sa cuvette la grande profondeur de 7 mètres, de telle façon qu’il s’alimentât, au moment même des plus basses marées, avec les seules eaux de la mer. Mais dans le terrain marécageux qui forme cette vallée transversale d’océan à océan, on devrait avoir toute facilité pour s’approvisionner d’eau sans recourir à la mer. Un canal situé de la sorte devrait requérir d’ailleurs un faible approvisionnement d’eau, quelles qu’en fussent les dimensions, car les filtrations, qui, de toutes les causes de dépense d’eau sur les canaux, sont les plus actives, n’y seraient aucunement à craindre.

Quant à la longueur, du canal entre Chagres et Panama par le dernier tracé de M. Morel, qui, pour se conformer au texte de la loi de concession votée par le congrès de la Nouvelle-Grenade, ne s’est arrêté ni au Rio Farfan ni même au Rio Grande, et s’est étendu jusque dans l’intérieur de Panama à la Playa Prieta, elle serait de 75,400 mètres (dix-neuf lieues de poste), et déduction faite de la navigation dans le lit du Chagres, de 54 kilomètres et demi, dont 28 sur le versant de la mer du Sud, et 26 et demi sur celui de l’Atlantique. Ce serait l’un des canaux les plus courts du monde. Il serait plus curieux encore par l’absence des écluses, car il ne lui en faudrait aucune, si ce n’est à chaque extrémité pour corriger l’effet des