adresse aux exercices corporels, il réunit cet ensemble de qualités dont se compose alors le type du parfait gentilhomme. Il partage son oisiveté élégante entre le jeu, les intrigues d’amour et la fréquentation des cercles politiques. Les suites d’une affaire d’honneur le forcent à s’expatrier. Il visite en peu d’années Amsterdam, Paris, Venise Gênes, Florence, Naples et Rome, déjà ruiné et réduit aux ressources éventuelles de son industrie, mais trouvant toujours le moyen de bien mener la vie, affichant, comme par le passé, les bonnes graces du cavalier libertin, le magnanime sang-froid du beau joueur, la pénétration du roué politique ; se faisant remarquer surtout par une aptitude innée à résoudre les problèmes de finance. À force de combiner les chances aléatoires, le jeu devient pour lui une profession lucrative : c’est ordinairement avec 100,000 livres qu’il se présente à une table de pharaon, et, pour compter plus vite, il fait fabriquer à son usage des jetons d’or de 18 louis. Cependant les spéculations du tapis vert sont loin de lui suffire : il ouvre à son intelligence une carrière plus digne d’elle. Le jeu sur les effets publics, métier ténébreux dont les secrets ne sont connus alors que d’un très petit nombre d’adeptes, lui procure en peu de temps des bénéfices considérables, à tel point qu’après des prodigalités qui l’égalent aux plus grands seigneurs, il peut réaliser, à son arrivée en France, 1,600,000 livres, c’est-à-dire 2,857,000 francs de notre monnaie.
Le genre d’existence que Law s’était fait avait attiré son attention sur l’essence et la fonction du numéraire, sur la mystérieuse puissance du crédit. Sans être précisément ce que nous appelons aujourd’hui un économiste, il avait acquis sur les phénomènes économiques des notions qui manquaient alors à la plupart des hommes d’état. À une époque de crise et de détresse presque générale, l’heureux agioteur, fasciné le premier par ses théories, se crut appelé au rôle de réformateur. Il commença par mettre ses lumières au service de son propre pays. La banque d’Écosse, constituée en 1695, sur des principes vicieux, essayait de se régénérer. À cette occasion, Law s’empressa de formuler ses découvertes financières dans un volumineux mémoire intitulé : Considérations sur le Numéraire et le Commerce, travail qu’il présenta lui-même au parlement écossais, sans réussir à le faire adopter. Ce mémoire, qui est l’ouvrage le plus étendu de l’auteur et l’expression la plus complète de sa doctrine, développe les idées qui suivent : — La monnaie est le principe du travail et de la richesse ; les métaux précieux ne remplissent que par abus le rôle d’agens de la circulation. Il dépend du prince de les remplacer par du