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L’ISTHME DE PANAMA.

tion espagnole. On y trouvait en effet de belles fortifications, mais pas de bras pour les défendre. Il est du moins certain que l’Espagne ne faisait rien pour utiliser ce passage si bien indiqué. On voyait, il y a quarante ans, des productions des provinces de la Nouvelle-Grenade, riveraines du Pacifique, se rendre dans l’Océan Atlantique par une longue navigation de Guayaquil à Acapulco, c’est-à-dire d’un port situé bien au midi de la pointe méridionale de l’isthme à un port placé bien au nord de l’autre extrémité, pour franchir ensuite les deux cents lieues d’Acapulco à la Vera-Cruz à dos de mulet, au travers des aspérités colossales du sol mexicain.

À peine Bolivar eut-il affranchi la Colombie et assuré à Ayacucho l’indépendance du Pérou, dont les patriotes avaient imploré son secours, que son attention se tourna du côté de l’isthme de Panama proprement dit, dépendance de la république aux destinées de laquelle ce grand homme présidait. Un ingénieur anglais, M. Lloyd, reçut de lui, en novembre 1827, la mission de dresser le plan de l’isthme et d’y rechercher la meilleure ligne à suivre pour faire communiquer les deux océans par un canal ou par une route macadamisée. M. Lloyd arriva à Panama en mars 1828, et y fut joint par le capitaine Falmarc, ingénieur suédois au service de la Colombie. Ces deux commissaires jugèrent que, pour mieux remplir leur mandat, et d’abord pour déterminer le niveau relatif des deux mers, ils n’avaient rien de mieux à faire que de suivre la vieille route de Panama à Porto-Belo, jusqu’à la rencontre de la rivière Chagres, qui, avons-nous dit, se jette dans l’autre océan, et de descendre ensuite cette rivière jusqu’au port de Chagres. C’était un circuit de 150 kilomètres environ, entre deux points qui ne sont éloignés l’un de l’autre, à vol d’oiseau, sur la carte publiée par M. Lloyd, que de 65. On ne peut s’expliquer le choix de ce tracé que par le désir de faire jouir des avantages de la communication océanique la cité renommée jadis de Porto-Belo. Il s’en faut de peu que Panama et Porto-Belo ne soient exactement vis-à-vis l’un de l’autre sur l’isthme mais rien ne donnait l’espoir de rencontrer dans cette direction une dépression extraordinaire de la ligne de faîte entre les deux océans. Il résulte au contraire du mémoire de M. Lloyd, inséré dans les Transactions Philosophiques de la Société Royale de Londres (1830), que la configuration du sol devient de plus en plus montueuse entre Panama et Porto-BeIo, à mesure qu’on s’approche de cette dernière ville, et qu’un canal y serait impraticable.

Le point de partage entre Panama et la rivière Chagres fut trouvé