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quand on s’avance plus à l’est et qu’on se place sur l’isthme de Panama proprement dit, qui borde, sur l’Océan Pacifique, le vaste espace semi-circulaire qu’on nomme la baie de Panama, on voit la charme se briser, s’éparpiller, rentrer sous terre, pour se relever bientôt, il est vrai ; car dans l’isthme de Panama lui-même, à l’est de Chagres, entre cette ville et Porto-Belo et au-delà, la chaîne se redresse. Cependant, à la baie de Mandinga, où l’isthme est réduit à son minimum d’épaisseur, M. Wheaton assure, sans indiquer les autorités sur lesquelles il s’appuie, qu’une autre vallée se présente transversale de mer à mer.

Arrivons donc à l’isthme de Panama.


IV. — Isthme de Panama proprement dit. — Au commencement du siècle, M. de Humboldt se plaignait de ce que, dans l’isthme de Panama, la hauteur de la Cordillère qui forme l’arête de partage fût aussi peu connue qu’elle pouvait l’être avant l’invention du baromètre et l’application de cet instrument à la mesure des montagnes. Il n’existait ni un nivellement de terrain, ni une détermination bien exacte des positions de Panama et de Porto-Belo, quoique la couronne d’Espagne eût dépensé des sommes énormes pour fortifier ces deux places et en faire de grands établissemens destinés à garder comme de vigilantes sentinelles chacun l’un des deux océans. De toutes parts, on disait que le canal de Panama serait une œuvre à illustrer un règne et un siècle, et pas un ingénieur n’y était envoyé pour en mesurer, même approximativement, les difficultés. D’habiles navigateurs, Dampier et Wafer, étaient passés par là et y avaient fait un séjour ; ils avaient observé comme le bourgeois de Londres ou de Paris le plus étranger à la science géographique l’aurait pu faire. Tout ce qu’ils avaient rapporté de ces lieux, au sujet de la configuration du terrain se réduisait à cette information vague, qu’à l’œil le pays ne paraissait pas hérissé de montagnes, que la chaîne centrale, dont les proportions ne dépassaient pas celles de collines, était fractionnée, morcelée, et qu’on y trouvait des vallées laissant un libre cours aux rivières, un facile passage aux chemins. Bourguer et La Condamine étaient restés trois mois dans l’isthme, ainsi que les astronomes espagnols don George Juan et Ulloa, leurs compagnons de labeurs. Ni les uns ni les autres n’avaient eu la curiosité de consulter leur baromètre pour apprendre au monde quelle était la hauteur du point le plus élevé sur la route qu’on suivait entre les deux océans.