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de garder celle qu’elles ont adoptée depuis 1815, et qui, grace aux avantages que la paix leur a procurés, force précisément l’Angleterre à tous ces efforts désespérés. Du reste, l’Angleterre elle-même le leur dit : son mal vient de l’exubérance de ses capitaux ; leur tactique doit être d’attirer chez elles une partie de ce trop plein de capitaux avant qu’il aille se déverser dans les solitudes où l’Angleterre manifeste l’intention de se créer, par des moyens extraordinaires, des marchés nouveaux. Ce n’est donc pas le moment pour les nations industrielles rivales du royaume-uni, et je le dis en songeant à la loi de douanes dont la présentation prochaine nous a été annoncée par M. le ministre du commerce, ce n’est pas le moment de se départir du système protecteur à l’égard des produits anglais. Notre tactique nous est toute tracée ; elle se résume en deux mots : il faut que nous forcions les capitaux à ne trouver dans le royaume-uni qu’un emploi de plus en plus difficile, et que nous leur offrions au contraire chez nous des emplois avantageux. Rien ne nous est plus aisé. Nous avons encore à mener à fin de grandes entreprises, nos chemins de fer, par exemple, qui offrent des profits assurés aux capitaux qui les accompliront. Ces entreprises ont besoin de grands capitaux, et en fait de capitaux l’Angleterre a de trop précisément ce qui nous manque. Sachons entreprendre, et entreprenons à temps, et nous pouvons être certains que les capitaux anglais prendront le chemin de notre pays avant d’aller s’absorber dans les bakwoods du Canada, ou dans les plaines incultes de l’Afrique orientale. Les grands capitaux, les capitaux qui se trouvent entre les mains des riches banquiers, des riches négocians, M. Gladstone ne doit pas se le dissimuler, n’ont pas les goûts colonisateurs. Ce sont les petits capitaux, les petits pécules, l’histoire de l’Angleterre le prouve, qui colonisent. Les gros capitaux dédaignent les patiens, les minutieux labeurs du défrichement des forêts ou des prairies vierges ; au contraire, les grandes affaires, les faciles bénéfices du jeu des grandes spéculations les attirent. Nous avons sous ce rapport encore un bel élément à leur offrir, nous avons de grands services à leur demander ; mais la situation est délicate et décisive : gardons-nous de la compromettre par des lenteurs, par des fautes, et dans cette appréhension, c’est l’unique leçon que nous voudrions faire ressortir de ce travail, soyons attentifs, appliqués, vigilans. Les hommes d’état anglais, M. Huskisson, qui avait vu se développer les causes des difficultés qui pressent l’industrie britannique et en avait prévu les conséquences, M. Gladstone, qui, témoin des conséquences, est remonté aux causes, nous en avertissent : il va se