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Il est singulier qu’en Angleterre, au même moment, deux grands intérêts placent leurs griefs et leurs réclamations sous la sauvegarde de menaces extrêmes et irréalisables. L’Irlande menace d’une révolution politique, l’industrie d’une mesure économique vraiment révolutionnaire. Cette tactique prouve l’étendue des souffrances qu’elle veut guérir ; pour que les mécontentemens réussissent à exciter les passions en se donnant des espaces si immenses, il faut que les réformes aient aussi un champ immense à parcourir pour les satisfaire. Cette tactique ne dit pas réellement ce qu’elle paraît dire. Le rappel de l’union signifie qu’il faut que l’Irlande soit gouvernée par l’Angleterre de manière à n’avoir plus à souhaiter de se gouverner elle-même. Le rappel des corn-laws signifie qu’il faut que l’aristocratie propriétaire du sol et qui gouverne trouve des remèdes aux maux de l’industrie, si elle ne veut pas que l’industrie cherche dans sa ruine un soulagement désespéré à ces maux. En attendant, les intérêts industriels se concertent, se disciplinent dans la ligue du corn-laws repeal. Cette association a besoin d’argent pour étendre ses moyens d’action, l’industrie la commandite ; dans un seul meeting, les manufacturiers de Manchester lui donnent 375,000 francs par souscription, et c’est sur le levier politique qu’elle fait sentir immédiatement sa force. Trois élections ont eu lieu récemment : elles se sont faites sous son influence ; elle a prouvé, dans celle de la Cité de Londres, combien cette influence est puissante. Aux approches de cette élection, elle tenait des meetings tous les jours ; elle a envoyé à cinq reprises aux quinze mille électeurs de la cité des brochures, des imprimés, où la grande question qu’elle veut résoudre était présentée et discutée. Elle offrait des récompenses considérables à quiconque pourrait apporter contre le concurrent du candidat de la ligue des preuves de corruption électorale ; enfin elle a emporté l’élection.

Lorsque des intérêts justement inquiets prennent une attitude et une organisation aussi menaçantes, la temporisation, l’indécision, ne sont plus permises au gouvernement ; il faut qu’il prépare des mesures efficaces. On peut voir, dans celles que propose M. Gladstone, le système dans lequel sir Robert Peel est sans doute disposé à s’engager.

Les mesures recommandées par M. Gladstone, dans le Foreign and colonial Review, sont de deux sortes : les unes touchent aux tarifs, les autres à la politique coloniale de l’Angleterre. Les premières ont plus spécialement pour but de diminuer les frais de la production industrielle et d’amortir les effets des rivalités étrangères ; l’intention