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pratique ; mais il faut l’y maintenir, il faut distinguer surtout les deux tendances du mouvement religieux ; les hommes modérés, les catholiques sincères qui n’exploitent pas la croyance au profit des passions d’un parti, ne combattent pas pour la domination cléricale, et restent sagement en dehors des violences. À ceux-là, le gouvernement doit ouvrir les voies, il le peut sans danger ; mais ce serait une grave erreur de se montrer prévenant, comme on l’a fait quelquefois, pour ces exagérés dénués de lumières, qui ont toutes les idées d’un autre temps, fanatiques dans un siècle sans fanatisme, débris remuans de toutes les anciennes factions, qui tirent, comme on l’a dit, le coup de fusil de l’émeute par les fenêtres de la sacristie. De ce côté, le gouvernement et toutes les conquêtes de la civilisation ne trouveront jamais que d’irréconciliables ennemis. Il est surtout un fait sur lequel il convient d’insister : le parti religieux, qui se rencontre en ce point avec le parti radical, accuse l’état de sacrifier les intérêts moraux aux intérêts matériels, d’abandonner à des instincts funestes la jeunesse du pays, d’oublier ceux qui souffrent, et il s’annonce comme pouvant seul donner à la société cette direction, cette éducation morale qui fait la grandeur et la vie des peuples. Sans doute la supériorité intellectuelle, et nous espérons l’avoir démontré en ce qui touche les ultra-catholiques, n’est pas du côté des partis extrêmes. Il y a là néanmoins, pour le pouvoir temporel, à côté de reproches souvent injustes, un avertissement qui a bien aussi sa portée ; car à quels dangers n’exposerait-on pas le pays, si, par une fausse sécurité, on laissait les partis prendre l’initiative des réformes et des améliorations commandées par la marche du temps ?


Ch. Louandre.