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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

tholique comme l’ancienne Vendée ou la Belgique, à côté d’une France sans culte comme celle de 93. Au lieu de demander la suppression des traitemens, il serait plus convenable d’en demander l’augmentation, car, de tous les cultes, c’est le culte catholique qui est le moins rétribué. Les 800 francs que reçoivent les desservans des communes rurales sont loin de suffire, et ce n’est pas l’argent que donne l’état, mais la perception du casuel, qui porte atteinte à la dignité de l’église. En élevant les traitemens d’une faible somme, il serait facile de placer le clergé secondaire dans une position tout à la fois meilleure et plus convenable, et d’arriver même à la suppression du casuel, qui donne à peine une moyenne de 250 francs aux desservans des campagnes. Dans l’intérêt de l’église comme dans l’intérêt du pauvre, qui s’étonne et se plaint de payer pour qu’on l’enterre et qu’on prie, il y a là plus d’un abus à réformer.

Est-ce au nom de la supériorité intellectuelle que le clergé peut réclamer aujourd’hui la suprématie dans l’état ? Interrogeons dans le clergé même les hommes qui veulent sa grandeur, et ils nous répondront que le clergé est dépassé par le siècle, que lui seul est demeuré stationnaire pendant que tout était mouvement autour de lui, et que son autorité sur les peuples ne tient presque plus qu’à des vertus personnelles[1]. Quelle est la cause de cet affaiblissement ? D’une part, la manière même dont le clergé se recrute, de l’autre la faiblesse de l’enseignement clérical, et l’hostilité traditionnelle contre les sciences. En effet, sous l’ancienne monarchie, la noblesse et le tiers-état donnaient en grand nombre des sujets à l’église ; par l’éducation première, le clergé se trouvait initié à l’esprit des classes élevées, comme il s’initiait plus tard, par les fonctions du sacerdoce, aux besoins et à l’esprit du peuple. Aujourd’hui le torysme, tout en recherchant l’alliance du clergé, ne lui donne pas ses enfans ; les classes moyennes se tournent vers d’autres carrières, et les prêtres appartiennent en général à la population des campagnes. Certes ce qui manque aux humbles conditions, ce ne sont pas les vertus, mais les ressources de ces lumières que l’instruction des premières années de la vie peut seule donner, et l’enseignement des séminaires ne suffit pas à combler cette lacune : il ne suffit pas à élever le clergé au niveau des autres classes de la société. Dans les écoles secondaires ecclésiastiques, la direction des études est confiée à des professeurs dont la capacité n’est point éprouvée par des examens, et qui passent, sans fixité, des fonctions du sacerdoce aux fonctions de l’enseignement, ce qui est très distinct. Dans les grands séminaires, les choses en sont au même point où elles étaient il y a soixante ans ; on y trouve les mêmes livres, les mêmes méthodes, sans changemens ni améliorations, et, comme le disent MM. Allignol, « les prêtres qui en sortent ressemblent à des hommes qui viendraient

  1. De l’État du Clergé, par MM. Allignol frères, prêtres desservans, 1839. Introduction.