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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

avec la religion, le répéter tous les jours à un siècle positif et raisonneur, n’est-ce pas reprendre en sous-œuvre la thèse de Voltaire qui soutenait, au nom du sens commun, que la religion est incompatible avec la philosophie ? Ici, on le voit, l’Univers est plus nuisible qu’utile à la cause qu’il veut servir. Il en est de même dans la question de la liberté d’enseignement ; l’Univers, dans cette polémique irritante, s’est perdu au milieu des théories, des propositions les plus contradictoires, accusant ici le gouvernement, et là complimentant M. le ministre de l’instruction publique, mais pour l’attaquer le lendemain, lui reconnaissant du bon, et lui reprochant presque dans la même colonne de vouloir décatholiser la France. Le ton général de cette polémique est devenu de jour en jour plus aigre et plus menaçant. Au lieu de discuter les principes, l’Univers s’attaque aux personnes ; au lieu d’examiner avec impartialité les titres, les droits, les devoirs respectifs de l’église et de l’Université, il immole, en le calomniant, l’enseignement laïque à l’enseignement clérical. Enfin, comme l’a dit M. l’archevêque de Paris, à l’occasion de certains pamphlets dont l’Univers s’est constitué l’avocat : « On a pris un ton très injurieux, ce qui est une manière peu chrétienne de défendre le christianisme. »

Étranger en philosophie à toute discussion sérieuse, compromettant dans la question de la liberté de l’enseignement pour le principe même de la liberté, l’Univers, dans sa critique, est toujours exclusif, le plus souvent passionné et violent. Cette critique n’est en général qu’une sorte de casuistique intolérante qui, laissant de côté toutes les questions théoriques, toutes les questions d’art, s’attaque de parti pris aux écrivains qui ne partagent pas les engouemens de la réaction ultra-catholique. Sans nul doute l’Univers a raison quand il proteste contre les tendances de cette littérature éhontée qui spécule, pour battre monnaie, sur tous les vices de la nature humaine ; mais ce qui peut se rencontrer de juste et de vrai dans ces reproches est toujours atténué par l’exagération et le mauvais goût ; car, en blâmant certains écarts de la littérature contemporaine, l’Univers dépasse souvent, et de bien loin, le cynisme des écrits qu’il condamne. Telle est l’intolérance irréfléchie de ce journal, qu’il accusait dernièrement M. de Lamartine d’avoir tiré de sa harpe des outrages pour le Dieu du Sinaï, des blasphèmes contre le Dieu du Calvaire. Ce ne sont là cependant que des aménités ; on peut en juger par les propos divers que l’Univers publie en feuilletons, dans ses numéros du dimanche, sans doute pour sanctifier à sa manière le jour consacré.

En ce qui touche les matières religieuses, c’est encore la même exagération, le même chaos, la même absence de doctrines et d’unité ; l’Univers prête au pape des sentimens qui ne sont pas les siens, quand il soutient, par exemple, que le saint-siége reconnaît les pouvoirs de fait et réserve les droits ; il exalte des livres que Rome met à l’index, il rapporte des miracles que le Diario di Roma déclare apocryphes. Ce qu’il comprend surtout dans la religion, c’est l’opus operatum du culte extérieur, l’adoration du sacré cœur, du précieux sang. En ce point, on peut dire qu’il est presque maté-