Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.
410
REVUE DES DEUX MONDES.

d’un volcan, se dressaient comme des phares naturels destinés à guider un jour les vaisseaux quand commencèrent les explorations aventureuses, on vit ces îles devenir des lieux de station d’où les navigateurs, après avoir repris haleine, s’élancèrent avec plus d’espérance vers les mondes pressentis.

Il fut donné aux Portugais d’aborder les premiers beaucoup de ces rochers stériles qui devaient plus tard se transformer en citadelles, et plus d’une aussi de ces terres fertiles dont les richesses inexplorées semblaient attendre la culture. Dans une de ces hardies expéditions au-delà du cap des Tempêtes, Mascarenhas découvrit à l’est de Madagascar, la Taprobane de Ptolémée, un groupe de trois îles situées sous le tropique du capricorne, au milieu de l’Océan indien. Il légua son nom à ces terres nouvelles : ce sont aujourd’hui Rodrigue, sur laquelle vivent quelques familles de colons ; l’île de France, redevenue l’île Maurice comme au temps des Hollandais, mais au profit du peuple qui les dépouilla de la plupart des conquêtes enlevées par eux aux Portugais ; enfin, l’île Bourbon, débaptisée deux fois sous la république et sous l’empire. Rodrigue n’était qu’un îlot sans valeur, sans étendue, et destiné à porter malheur à nos possessions dans la mer des Indes, en servant de point de ralliement à la flotte anglaise qui venait nous les enlever. Les navigateurs portugais reconnurent que les deux autres îles étaient plantées de beaux arbres, arrosées de torrens et de rivières, coupées de plaines au milieu desquelles s’élevaient des montagnes pittoresques et menaçantes, animées par le chant des oiseaux ; mais ils purent en faire le tour sans apercevoir sur le sable cette empreinte fatale qui fit reculer d’effroi Robinson Crusoë. Ils laissèrent quelques chèvres et poursuivirent leur route ; les Portugais d’alors songeaient plus à guerroyer contre les infidèles qu’à fonder des colonies, comme si, devinant que leur règne serait de courte durée, ils se fussent empressés d’arborer partout leur pavillon.

Pendant un siècle, il ne fut plus question des îles reconnues par Mascarenhas ; en 1642, de Pronis, commandant des établissemens français à Madagascar, prit possession de Bourbon au nom du roi Louis XIII, et y envoya en exil quelques soldats mutins. Ceux-ci ne se regardèrent pas sans doute comme très punis de changer le climat insalubre de Sainte-Luce pour l’air éminemment saint du lieu de leur déportation. Cependant, soit qu’ils eussent été rappelés par le successeur de celui dont l’administration, souvent blâmée, avait excité leur mécontentement, soit que la présence de quelques militaires rebelles ne donnât pas à cette île un caractère formel d’occupation, sept ans plus