côté de la peine légale des peines disciplinaires qui en altèrent la portée et qui en excèdent l’énergie. Point de milieu : le système doit se relâcher jusqu’à la faiblesse, ou se tendre jusqu’à la cruauté.
Le grand argument des partisans du système pensylvanien consistait jusqu’ici dans la vertu que l’on supposait à ce régime pour prévenir les crimes et les délits, en un mot, dans un effet d’intimidation. Il faut leur enlever ce dernier refuge ; laissons encore une fois parler les faits. Depuis que l’emprisonnement solitaire est en vigueur aux États-Unis, le nombre des détenus, loin de diminuer, comme on l’avait prédit, n’a fait que s’accroître. Le pénitencier de New-Jersey, qui ne renfermait en 1836 que 113 prisonniers, en a reçu 141 en 1837, 163 en 1838, 166 en 1839, et 152 en 1840. Dans le pénitencier de Philadelphie, et sans remonter aux trois premières années de l’institution, qui pourraient passer pour un temps d’épreuve, on comptait 123 détenus en 1833, 183 en 1834, 266 en 1835, 360 en 1836, 386 en 1837, 387 en 1838, 417 en 1839, et 434 en 1840. D’après le rapport fait par les inspecteurs, il paraît que sur 1,480 détenus qui sont entrés dans cette prison depuis l’ouverture de l’établissement jusqu’au 1er janvier 1842, 460, ou 31 sur 100, étaient en état de récidive, et qu’ils avaient été emprisonnés à Philadelphie ou ailleurs depuis deux jusqu’à neuf fois. On aura beau compulser nos annales criminelles, on n’y découvrira pas de plus tristes résultats[1]. Les récidives ne sont pas moins fréquentes à Glasgow. Les inspecteurs admettent, dans leur rapport de 1836, que les condamnés à court terme reviennent très souvent dans la prison. Ils citent particulièrement un jeune homme qui, à l’âge de 18 ans, avait encouru déjà 22 condamnations. Les femmes semblent être encore plus incorrigibles. Plusieurs ont été enfermées jusqu’à 68 fois ; mais ces exemples pâlissent devant celui d’une détenue qui, à l’âge de 39 ans, avait subi 81 condamnations, et qui avait passé au total treize années de sa vie dans le pénitencier.
À Lausanne, l’amélioration des condamnés soumis à l’emprisonnement séparé n’a pas été plus sensible. Tandis que les libérés qui sortaient du quartier où règne le système d’Auburn n’ont présenté, les hommes que 11, 59/100 récidives p. 100, et les femmes que 13, 08/100 récidives pour 100, parmi les reclus solitaires la proportion a été pour les hommes de 50, 84/100 récidives sur 100 libérés, et pour les femmes de 66, 66/100 récidives sur 100 libérées.
- ↑ La proportion des accusés en récidive était en France, pour l’année 1841, de 24 sur 100, et celle des prévenus en récidive de 17 sur 100.