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DE LA RÉFORME DES PRISONS.

sur 451 enfans ; et en 1842, 37 décès sur 433 enfans ? Est-ce donc un état de choses normal et avantageux à la société que celui qui ne concentre tant d’enfans dans une maison d’éducation ou de réforme que pour en vouer annuellement à la mort tantôt 1 sur 11 et tantôt 1 sur 10 ? Encore faut-il observer que, grace à la faculté de mettre provisoirement en liberté les jeunes détenus, on fait sortir de la prison, avant l’expiration de leur peine, ceux dont la santé paraît trop faible pour résister à une détention prolongée. Si les membres de la commission avaient pris la peine de visiter la Roquette plus d’une fois, ils eussent remarqué très certainement cette enflure aux jambes qui se manifeste dans les premiers mois de l’emprisonnement, et ils auraient compris qu’il y a une véritable barbarie à priver d’air et de mouvement ces malheureux enfans de Paris, qui sont trop souvent couverts de scrofules, et auxquels l’éducation de la ferme serait physiquement et moralement cent fois meilleure que celle de la prison. Un homme de bien, un homme connu par sa sollicitude éclairée pour les misères sociales, le docteur Kay Shuttleworth, nous disait, après avoir parcouru les funèbres rapports de M. le préfet de police sur l’établissement de la Roquette : « Si une maison pareille existait en Angleterre, on l’aurait déjà rasée jusqu’au sol. »

M. de Tocqueville a cherché à établir que de tous les systèmes d’emprisonnement la détention solitaire était la seule qui n’exigeât pas, dans la discipline intérieure, l’emploi de punitions fréquentes, et notamment celui des châtimens corporels. Sans discuter ici les reproches qu’il adresse aux prisons régies en Amérique par le système d’Auburn, et sans examiner s’il y a de l’équité à se prévaloir des désordres qui règnent dans nos maisons centrales, où la disposition des lieux rend nécessairement toute règle inefficace, nous croyons utile de rappeler les faits qui tendent à prouver que le système pensylvanien ne dispense pas plus qu’un autre de déployer certaines rigueurs envers les détenus indisciplinés. Dans le pénitencier de Glasgow, suivant le témoignage des inspecteurs, les punitions sont fréquentes. Elles consistent dans la privation de nourriture ou de travail, dans la cellule ténébreuse, dans les fers (handcuffs) : quelquefois même on a recours, pour dompter les enfans, aux châtimens corporels, ou bien on les plonge dans un bain froid. À Philadelphie, le gardien fut blessé grièvement, il y a quelques années, en luttant contre un détenu furieux. Dans la même prison, non-seulement la privation de nourriture et de travail, ainsi que la cellule ténébreuse, sont employées contre les détenus récalcitrans ; mais pendant assez long-temps on