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« Des femmes aliénées, 4 appartenaient aux 122 détenues travaillant en commun, soit 32 78/100 pour mille détenues ; enfin une aliénée faisait partie des 18 détenues en cellules solitaires, soit 55 55/100 pour 1,000 détenues !

« La proportion moyenne des aliénations mentales, pour les hommes du même âge que les détenus, était en 1826, dans le canton de Vaud, de 3 93/100 aliénés des deux sexes sur 1,000 habitans.

« La proportion énorme des aliénés mâles dans la réclusion solitaire frappe d’abord… Comment expliquer une pareille aggravation, si ce n’est en admettant l’influence de l’isolement continu auquel se sont joints les effets du vice honteux qu’engendre la solitude.

Les faits que nous venons de citer ont paru assez graves aux autorités du canton de Vaud pour déterminer l’abandon du système. Le conseil d’état vient de décider que la réclusion solitaire ne s’appliquerait plus qu’aux condamnés en récidive, et qu’elle ne pourrait pas se prolonger au-delà de trois mois[1].

Pour compléter cette énumération, il faut dire quelques mots du pénitencier de la Roquette, où l’isolement cellulaire est employé à l’éducation des jeunes détenus. M. de Tocqueville, comparant les résultats sanitaires de ce régime avec ceux de la vie commune qui était d’abord en usage dans la maison, dit que la moyenne des malades n’est que de 7 77/100 pour 100 sous l’influence de l’emprisonnement solitaire, tandis qu’elle était auparavant de 10 à 11 pour 100. Nous n’acceptons pas la question ainsi posée. Tout le monde sait que le régime qui a précédé à la Roquette celui de l’isolement ne ressemblait à aucun système régulier, et l’on ne s’étonnera pas de trouver l’état sanitaire, aussi bien que l’état moral, réduit au plus bas dans cette abominable confusion. Mais indépendamment de toute comparaison, comment la commission peut-elle applaudir au régime actuel, qui a produit, en 1840, 40 décès sur 455 enfans ; en 1841, 48 décès

  1. C’est ici le lieu de rectifier une assertion de M. de Tocqueville, qui avance dans son rapport qu’à Genève, où la douceur du régime a été poussé jusqu’au point d’énerver la loi pénale, la mortalité est de 1 sur 30. M. le docteur Coindet a parfaitement démontré, dans son Mémoire sur l’Hygiène des condamnés, que l’accroissement de la mortalité coïncidait avec l’aggravation du régime. Du 1er  janvier 1827 au 1er  janvier 1832, la mortalité aurait été de 1 sur 63. De 1833 à 1835, une plus grande sévérité fut introduite dans le règlement de la prison, et la mortalité s’éleva à 1 sur 37. Enfin, en 1836 et 1837, la suppression de tout exercice musculaire, jointe à l’emploi de l’emprisonnement solitaire comme moyen de discipline, fit monter la mortalité à 1 sur 24. Ainsi que le remarque M. Coindet, c’est comme si le régime pénal enlevait aux détenus, suivant son degré d’austérité depuis l’âge de trente ans, 12, 23 ou 30 ans de vie.