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DE LA RÉFORME DES PRISONS.

rité du châtiment à la gravité du délit, voilà ce que nous n’entendons pas contester ; mais le remaniement peut s’opérer de deux manières, soit en établissant des peines mieux graduées, soit en y substituant une peine unique, sans autre aggravation possible que celle de la durée.

Le système qui repose sur la variété des châtimens est certainement le plus logique des deux ; il repose sur des principes que toute bonne législation répressive a respectés. En effet, les crimes et les délits ne diffèrent pas seulement par le degré de perversité qu’ils révèlent, ni par le trouble plus ou moins profond qu’ils jettent dans les rapports sociaux ; il y a aussi entre les atteintes portées à l’ordre moral une diversité réelle de nature, et lorsque le législateur se propose à la fois la punition et l’amendement des coupables, il doit peut-être modifier le caractère de la peine d’après le caractère et selon les causes du délit. Sans aller plus loin, n’est-il pas étrange que l’on traite dans nos prisons les bandits de la Corse de la même manière que les malfaiteurs parisiens ? La médecine considère comme barbares les méthodes qui affichent la prétention de servir, avec une égale efficacité, de remède contre toutes les maladies. Pense-t-on que les désordres moraux admettent plus aisément ce remède unique, et qu’une même cause les explique tous ? Irons-nous aujourd’hui, malgré l’expérience acquise depuis trois siècles, à la recherche de cette pierre philosophale dont la pensée tourmenta l’enfance du monde savant ?

Dans notre humble opinion, la commission et le gouvernement tentent l’impossible en cherchant à faire prévaloir en France, contrairement aux précédens avérés de notre législation, le système qui n’oppose à tous les délits qui se commettent dans la société qu’une seule et même peine plus ou moins durable selon les cas. Le choix de cette peine a été une erreur encore plus grave, et sur laquelle nous devons particulièrement insister.

Les termes dans lesquels est conçu le projet de loi manquent absolument de franchise. Il affecte de conserver la distinction établie par le code entre l’emprisonnement, la réclusion et les travaux forcés, et il propose de diviser les prisons en maisons d’emprisonnement, maisons de réclusion et maisons de travaux forcés. On dirait, en parcourant cette nomenclature, que les auteurs du projet ont eu en vue la diversité des peines, et que chacune des catégories qu’il renferme répond à un système différent de discipline pour la répression des crimes, ainsi que pour l’amendement des condamnés. Il n’en est rien cependant, et ces classifications purement nominales ne sont, à tout prendre,