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semblable à celle des pics pyrénéens, le sol s’abaisse à un niveau qui est presque pareil à celui de la Beauce, et il est creusé par la vallée d’un fleuve large et profond, le Guasacoalco, qui coule d’abord dans une direction parallèle au double littoral, c’est-à-dire de l’orient à l’occident, et ensuite se dirige du sud au nord jusqu’à ce qu’il se décharge dans le golfe du Mexique. Le port que forme l’embouchure du Guasacoalco est l’un des meilleurs qu’offrent les rivières du pourtour du golfe du Mexique ; il vaut celui que donne le Mississipi lui-même. Autrefois donc, comme nous l’avons dit, l’attention avait été attirée sur cet isthme. On s’était beaucoup entretenu d’un projet de canal à y creuser ; mais on n’y pensait plus, lorsqu’on fit une découverte imprévue. C’était en 1771. On reconnut à la Vera-Cruz, parmi l’artillerie de la forteresse de Saint-Jean d’Ulua, des canons fondus aux Philippines, à Manille. Comme avant 1767 les Espagnols ne tournaient ni le cap de Bonne-Espérance ni le cap Horn pour se rendre aux Philippines, et faisaient tout leur commerce avec l’Asie au travers du Mexique par le galion d’Acapulco, on ne concevait pas que ces canons fussent venus de Manille à la Vera-Cruz. Comment avaient-ils traversé le continent mexicain ? Impossible de conduire des fardeaux pareils d’Acapulco à Mexico, et de là à la Vera-Cruz. Il fut constaté à la fin, par une chronique de Tehuantepec, que ces canons avaient été amenés par l’isthme ; qu’ils avaient remonté le Chimalapa aussi haut que possible, s’étaient ensuite acheminés par terre jusqu’en un point où, par les hautes eaux, commence sur le Guasacoalco une bonne navigation. L’imagination publique en fut frappée. Si des pièces de gros calibre avaient traversé l’isthme, n’était-ce pas la preuve qu’une communication avantageuse entre les deux océans pouvait s’établir par Tehuantepec et le Guasacoalco, pour peu qu’on aidât la nature. Ainsi qu’il arrive ordinairement, le public exagérait les facilités qui se présentaient. On disait que le Guasacoalco avait ses sources tout près de la mer Pacifique ; qu’à son approche, la Cordillère s’était nivelée, et que telle ou telle rivière, l’Ostuta ou le Chimalapa, versait également ses eaux dans les deux océans. Le vice-roi don Antonio Bucareli donna ordre à deux ingénieurs, don Augustin Cramer et don Miguel del Corral, d’examiner le terrain dans le plus grand détail. Leur exploration fut fort imparfaite ; on ne voit pas qu’ils aient opéré aucun nivellement ni déterminé aucune hauteur, et leur conclusion se ressentit de l’enthousiasme au moins prématuré dont l’opinion s’était prise pour le canal des deux mers par