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pour le choix du système, et se bornait à poser dans la loi le principe du contrôle que réclamait l’administration supérieure sur la direction de toutes les prisons. La commission désignée par la chambre des députés pour examiner ce projet se montra plus résolue ou plus téméraire. Elle décida que l’emprisonnement solitaire, le système pensylvanien, serait le nouveau régime que l’on appliquerait à nos maisons de détention. Il faut croire que les doutes qui avaient d’abord paru assiéger le gouvernement se sont dissipés depuis devant l’autorité de la commission et de son honorable rapporteur ; car M. le ministre de l’intérieur n’a fait que reproduire dans le projet de 1843, et sans se mettre en frais d’argumens, les conclusions du rapport de 1840, sur lesquelles M. de Tocqueville insiste, comme on devait s’y attendre, dans son second rapport.

Le gouvernement et la commission semblent éprouver une égale impatience de vider le débat qui est aujourd’hui pendant. Nous comprenons cet empressement, et nous le trouvons légitime à quelques égards. On ne saurait contester l’urgence d’une solution en cette matière. Les crimes et les délits augmentent chez nous, dans une mesure sans doute qui n’approche pas des progrès que le mal a faits ailleurs, mais qui ne laisse pas d’inquiéter les esprits prévoyans. Si de pareilles tendances n’étaient pas réprimées ou tout au moins tenues en échec, il y aurait de quoi justifier les clameurs inintelligentes qui s’élèvent contre la civilisation, et les impuretés accidentelles qu’elle entraîne ou qu’elle fait jaillir dans la rapidité de sa course passeraient pour les effets nécessaires du développement social. C’est donc le devoir du gouvernement et des chambres de rechercher s’il n’y a pas ici une réforme ou un temps d’arrêt possible, et, si la possibilité existe, de mettre la main à l’œuvre sans hésiter ni faiblir.

Mais il faut se garder en même temps d’une précipitation trop peu réfléchie. Il ne faut entreprendre la réforme qu’avec les moyens de la mener à fin. Mieux vaudrait cent fois ne pas toucher à une plaie aussi vive que de l’irriter encore par un traitement insuffisant ou qui porterait à faux. Le rôle de réformateur demande tout ensemble une connaissance profonde de l’époque dans laquelle on vit, un coup d’œil sûr et une grande fermeté dans l’exécution. Sans faire tort aux ministres ni aux membres de la commission, l’on peut douter qu’ils soient convenablement préparés à de si hautes destinées. Ajoutons que le projet soumis en ce moment aux délibérations de la chambre est loin de répondre à la gravité des dangers qui se sont révélés.

Il s’agit d’arrêter cette épidémie morale, cet accroissement mena-