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REVUE. — CHRONIQUE.

été condamné par un de mes co-religionnaires. » C’est là en effet ce qu’il y a de fâcheux pour le gouvernement anglais, c’est là le triste résultat des lois qui n’établissent pas une parfaite égalité civile entre les divers cultes. Tout y prend des apparences d’une lutte de parti, d’une guerre de religion. Les lois, les arrêts de la justice, perdent de leur autorité morale sur les peuples ; on frappe sans convaincre, on intimide peut-être, mais on irrite. On obtiendra très probablement une condamnation ; mais la valeur morale et politique du verdict dépendra de la conduite du gouvernement. Si, content d’avoir remporté une victoire, le gouvernement persiste dans ses erremens actuels à l’égard de l’Irlande, la condamnation, au lieu de lui être utile, lui sera dommageable. O’Connell sera un martyr ; le gouvernement ne sera que le chef, que le meneur d’un parti ; les haines s’envenimeront, et l’avenir deviendra de plus en plus sombre et incertain pour tous. Si au contraire le gouvernement, satisfait d’avoir montré au monde entier qu’il ne redoute pas O’Connell, qu’il peut le regarder en face, le prendre corps à corps et le terrasser au besoin, profite de la victoire pour prendre avec dignité des mesures favorables à l’Irlande, des mesures importantes, essentielles, et qui ne soient pas un vain leurre, la situation peut se modifier profondément en faveur du gouvernement et de l’union. Rien n’est plus opportun que de faire à l’Irlande, pendant l’emprisonnement, l’impuissance d’O’Connell, les concessions qu’on aurait refusées à la voix d’O’Connell libre et menaçant.

Les affaires d’Espagne vont moins mal qu’on ne pouvait le craindre après l’étrange équipée de M. Olozaga. Il paraît qu’effectivement les Espagnols sont fatigués de troubles et de désordres. C’est là la conviction de personnes éclairées, dignes de foi, et qui ont visité plusieurs provinces de l’Espagne. Jusqu’ïci la mise en vigueur de la loi sur les municipalités n’a pas provoqué de résistance. Le cabinet déploie une activité insolite en Espagne, et qui inspire confiance. Par la capitulation de Figuières, la Catalogne va se trouver complètement apaisée. Narvaez, nommé capitaine-général d’armée, refuse, dit-on, cette éminente dignité. Il craint d’être taxé d’ambition et comparé à Espartero. Le refus ne fera qu’accroître son ascendant politique et son autorité morale dans l’intérêt de la monarchie. Par un décret du 6 janvier, on a rendu à la reine Christine la pension que les révolutionnaires de 1841 lui avaient enlevée. Rien de plus naturel et de plus juste. Il eût été monstrueux que la reine, que la fille de Marie-Christine n’eût pas révoqué ce décret d’Espartero.


M. Philarète Chasles vient de rouvrir son cours sur les littératures septentrionales au collége de France. Sa première leçon a été une rapide exposition des matières que doit embrasser l’enseignement de cette année. Pour sujet de ses travaux, M. Chasles a choisi une des époques les plus curieuses de l’histoire intellectuelle du Nord ; il doit parler du XVIIIe siècle en Allemagne et en Angleterre ; rien n’est moins connu que le mouvement d’idées