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REVUE. — CHRONIQUE.

cessive longueur d’un débat qui ne doit être après tout que l’exorde de la session, il ne faudrait pas non plus l’écourter de façon à lui ôter toute importance et tout intérêt. Encore moins faudrait-il s’accoutumer à laisser la discussion dégénérer en monologue. Les longs monologues, fussent-ils de Corneille et de Racine, appartiennent au genre ennuyeux. La chambre des pairs doit constater sa force et maintenir son autorité par la profondeur, le sérieux et la dignité de ses débats. Elle en a le pouvoir ; faisons des vœux pour qu’elle en ait aussi la volonté.

On fait des conjectures diverses sur les débats qui s’ouvrent à la chambre des députés. Les uns pensent que les paroles sévères, poignantes, de la commission forceront les députés légitimistes à tenir à la chambre un langage acerbe, et hautain ; que dès-lors le débat pourrait atteindre je ne sais quel degré d’emportement et de violence : car si la commission a exprimé l’opinion d’une forte majorité, la chambre, qui s’est montrée indulgente, tolérante envers les légitimistes lorsqu’ils étaient, pour ainsi dire, protégés par leur faiblesse, ne réprimerait pas son indignation, s’ils osaient braver sa force et insulter à son patriotisme et à sa dignité. D’autres, au contraire, sont convaincus que les députés légitimistes n’ont aucune envie de jouer sérieusement une si détestable partie, et que la phrase incisive et on peut dire menaçante de l’adresse est un excellent moyen de prévenir tout scandale parlementaire, ainsi que le renouvellement de tout scandale à l’étranger. Cette seconde opinion nous paraîtrait la plus probable, si le parti légitimiste était un parti sérieusement discipliné ; mais on a déjà vu à la chambre des pairs qu’il n’en est rien. Chacun agit pour son compte et en fait à sa guise. Tandis que M. de Richelieu ne prononçait que quelques paroles simples et convenables, M. de Vérac mettait flamberge au vent ; M. Guizot l’ayant vivement pressé, nul n’est accouru au secours du vaincu. Évidemment, il y avait là presqu’autant d’opinions et de conduites qu’il y avait de personnes engagées plus ou moins dans les liens du parti. Probablement il en sera de même à la chambre des députés. Probablement là aussi les politiques du parti trouveraient bon de se taire ou d’éluder habilement la question capitale, mais là également tout peut être dérangé par la fougue ou la hardiesse chevaleresque de quelque paladin, et l’on sait que dans l’enceinte du palais Bourbon il n’est pas besoin de provocations opiniâtres pour produire une explosion. Enfin on dit aussi qu’il se prépare un amendement qui serait accueilli par une portion du centre et par l’opposition, et qui aurait pour but de substituer une expression moins sévère, telle que réprouve ou condamne, au mot flétrit, employé par la commission.

Quant aux autres parties de l’adresse, tout paraît annoncer que le débat roulera principalement sur les affaires d’Espagne, sur le droit de visite, et sur la question de l’enseignement secondaire.

La commission de la chambre des députés a pris elle-même l’initiative et sur le droit de visite et sur les traités qui garantissent la nationalité de la