discussions s’engagent aussitôt entre le sceptique et le croyant. Ces pieux entretiens ne tardent pas à laisser trace dans l’ame du pécheur, et la grace commence à réagir, quoiqu’à l’état latent. Dieu, qui pensait à M. Veuillot dès l’origine des temps, lui inspire le projet d’un voyage à Rome, et le sceptique à demi converti part d’autant plus volontiers, qu’il se sent travaillé d’un sentiment étrange, la haine de son pays. C’est à Rome que se livre le dernier combat entre l’ange et le démon qui se disputent l’ame égarée. La lutte est terrible, Satan ne veut pas lâcher sa proie ; enfin le ciel triomphe, M. Veuillot entre dans le catholicisme, « non point en noble enfant du Seigneur, par la porte radieuse de l’amour, mais en esclave et rampant sous les voûtes de la crainte, avec tout le troupeau des cœurs abaissés. » M. Veuillot s’est converti à l’époque de la semaine sainte. Son imagination a été vivement frappée de l’éclat des fêtes catholiques. L’exaltation qui règne dans le récit de son séjour à Rome vient des nerfs plutôt que du cœur. C’est une dévotion bruyante, expansive, presque sensuelle ; il y a sous ces apparences d’énergie beaucoup de faiblesse, et pourtant M. Veuillot l’avoue lui-même, qui le jugerait sur son livre le croirait meilleur chrétien qu’il n’est. Dès qu’il prend la plume, sa dévotion s’exalte ; la quitte-t-il, il se retrouve plein de songes, plein de paresse à bien faire. Étrange piété que celle qui puise ses ardeurs dans l’aveugle enivrement de l’écrivain ! En quittant Rome, M. Veuillot parcourt l’Italie : dans cette dernière partie de l’ouvrage, ce n’est plus un chrétien qui s’offre à nous, c’est un journaliste, et des moins châtiés. Le nouveau converti ne semble occupé que de satisfaire à toute occasion ses passions politiques ou littéraires. À Naples, il oublie les rians aspects d’Ischia et de Sorrente pour écrire sur des compatriotes rencontrés dans une église un chapitre plein de personnalités amères. À Venise, il déchaîne contre Goethe et Byron les traits de sa bile dévote. Les chantres de Manfred et de Faust ne sont que des poètes médiocres pour l’écrivain, qui proclame un peu plus loin M. Barbier un poète illustre. Mais n’avons-nous pas assez long-temps suivi cet étrange pénitent ? Ne savons-nous pas ce qu’il faut penser de rêveries dont on méconnaîtrait la valeur en s’y arrêtant ? Laissons M. Veuillot arriver à Lorette, déposer son bâton de pèlerin aux pieds de la madone, et écrire : Gloire à Dieu, sur la dernière page de son livre. Cette confession, excentrique et bizarre, qui n’obtiendrait pas l’absolution du prêtre, ne doit pas trouver plus d’indulgence chez la critique : le goût, comme la piété, a ses scrupules, et nous n’absoudrons pas M. Veuillot.
Dans les Mémoires de Sœur Saint-Louis, l’auteur s’efface avec une modestie à laquelle il ne nous a point accoutumés. Ce livre est l’histoire d’une jeune fille élevée au couvent, et qui, après quelques années dans le monde, revient prendre le voile. M. Veuillot a voulu tracer la peinture d’un pensionnat dévot, il a rempli cette tâche en véritable initié ; on ne pouvait reproduire plus minutieusement le caquetage du cloître, et si Vert-Vert eût dicté ses mémoires, j’imagine qu’il n’aurait pas mieux fait. Ici encore malheureusement l’intolérance emporte l’auteur au-delà du but. Ce