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cine de Lyon, et nous ne doutons pas que MM. Desgarets et Védrine n’aient encouru de M. l’archevêque de Bonald un blâme sévère, car M. de Bonald ne peut avoir oublié les sages paroles qu’il a prononcées en prenant possession de son siége archiépiscopal : « Venons-nous ici pour décider entre des opinions et des opinions ? Avons-nous quitté un troupeau chéri pour nous enfermer dans un camp ? Si quelqu’un est l’objet de notre prédilection, ce sera l’homme prudent et pacifique qui, exempt de tout esprit de parti, ne compromettra jamais la cause sainte de la religion… ; ne vous disputez pas dans le chemin. » Les bons conseils portent rarement leurs fruits, et ceux même qui les donnent ont quelquefois le tort de ne pas les suivre.

Dans cette ardente insurrection de l’ultramontanisme, les facultés de théologie elles-mêmes ont été mises en suspicion, par cela seul que la collation des grades relève de l’Université. M. le doyen de la faculté de Paris a été vivement attaqué par l’Univers ; et la faculté tout entière a été immolée aux sulpiciens par l’Ami de la Religion. M. le doyen de la faculté de Lyon a été attaqué d’une façon plus inconvenante encore par les journaux ultra-catholiques de cette ville : il faut du reste rendre justice aux membres vraiment éclairés du clergé ; ils ont vu avec regret l’aigreur et l’amertume de ces querelles. Dans les Observations sur la controverse élevée à l’occasion de la liberté de l’enseignement, M. l’archevêque de Paris désavoue sévèrement les pamphlets, et recommande, avant tout, le calme et la modération du langage dans la discussion. M. l’archevêque, et ici on ne peut, sans mauvaise foi, ne pas être de son avis, proteste contre l’espèce d’ilotisme qui frappe, par le refus des grades universitaires, les élèves des écoles ecclésiastiques, et les force à rentrer dans les classes de l’Université quand ils abandonnent le noviciat du sacerdoce pour les carrières civiles où les grades sont exigés. M. Affre réclame en outre la libre concurrence en faveur du clergé, et personne ne songerait à le contredire, si dans le clergé chacun comprenait comme lui la mission du prêtre ; par malheur pour l’autorité de sa brochure, au lieu de demander la liberté au nom de la liberté même il a cru devoir abaisser les méthodes scientifiques devant l’enseignement religieux ; au lieu de maintenir dans des sphères parfaitement distinctes la science et la foi, et de faire ainsi la part de l’église et de l’Université dans l’éducation publique, il s’est jeté dans une polémique agressive contre la philosophie, en cherchant à démontrer son infériorité, son impuissance, ses dangers même, et, tout en prêchant la paix, il n’a fait que préparer peut-être de nouvelles querelles. La dispute en effet ne s’est pas calmée : M. Carle, l’historien de Savonarole, a publié, peu de jours après M. l’archevêque une brochure nouvelle, la liberté d’enseignement est-elle une nécessité religieuse et sociale ? Ce n’est qu’un post-scriptum aux livres de MM. Desgarets et Védrine. L’auteur, fidèle aux habitudes de sa logique, tombe à chaque page dans des contradictions vraiment incroyables, et ses déclamations contre l’Université ne sont que les prolégomènes d’attaques souvent plus violentes encore contre la discipline de l’église, et de critiques amères