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comme gallican. Modérée dans les formes, la protestation, seul acte officiel et collectif de l’épiscopat français depuis trente ans, a été l’occasion d’un petit concile national ; quelques prélats ont fait le voyage de Paris, pour s’en entendre avec le gouvernement. On a promis de faire droit à leurs réclamations ; on a de plus promis une loi, et M. le ministre de l’instruction publique a consulté les évêques sur le projet de loi qu’il prépare. Jusque-là, tout s’était légalement et convenablement passé, mais la querelle ne tarda point à s’envenimer ; on avait commencé par demander la révision des règlemens qui régissent les écoles ecclésiastiques ; on attaqua bientôt l’Université, et ceux qui ne cherchaient dans la libre concurrence qu’un moyen détourné pour accaparer l’enseignement allèrent même jusqu’à refuser à l’état le droit de contrôle et de surveillance. Parmi les champions qui ont marché, dans ces derniers temps, avec le plus d’ardeur à l’assaut de l’Université, il y a trois ou quatre évêques, des séminaristes qui gagnent là leurs éperons, quelques chanoines, la rédaction de l’Univers religieux, les journaux légitimistes, et les jésuites, qui dirigent la manœuvre de leur quartier-général de Lyon. Pour quelques-uns, c’est une affaire de conscience, une ébullition sincère de naïveté dévote ; pour le plus grand nombre, ce n’est qu’un manége hypocrite. Parmi les évêques qui se sont compromis, les uns par des mandemens, les autres par une correspondance souvent peu mesurée avec l’Univers, M. de Chartres, ancien aumônier de Mme la duchesse d’Angoulême, et M. de Belley ont surtout fait bruit ; quand ils parlent de l’Université, on croirait qu’il s’agit de l’enfer, car ils la représentent comme une caverne peuplée d’empoisonneurs et d’assassins ; c’est une véritable hallucination dantesque, moins la poésie : l’innocence de la logique excuse du moins l’âcreté du style, et l’on pardonne volontiers la vivacité de l’attaque, par considération pour une bonhomie qui va jusqu’à demander l’agrégation des femmes à l’Université. MM. les évêques, d’ailleurs, se réservent prudemment la ressource des rétractations mitigées, et quand des mots par trop blessans sont tombés de leur plume, ils en adoucissent l’amertume en les rejetant sur David ou Jérémie, comme cela s’est vu à l’occasion des écoles de pestilence.

Dans le journalisme, l’Univers s’est fait l’écho, mais l’écho inintelligent de ces murmures. L’abolition du monopole universitaire est devenue son delenda Carthago. C’est par-là qu’il vit. En attendant que le ciel mette enfin un terme à la persécution de Julien l’Apostat, comme l’a dit un journal de la même nuance, l’Univers travaille à rendre l’Université irréprochable, et il dénonce les juifs, les protestans et les athées, tout en faisant des complimens à M. le ministre de l’instruction publique. Ces déférences polies envers les agens de l’état l’ont rendu suspect ; M. le marquis de Regnon, dans des brochures inaperçues, lui a même reproché de n’être qu’un partisan déguisé du monopole ; pour répondre à ce reproche, l’Univers a relu son Escobar, et s’est jeté dans d’inextricables distinctions entre la liberté libre, la liberté limitée et la liberté surveillée, entre l’Université et l’état, et il a fini par déclarer, en cessant de se comprendre lui-même et d’être compris de ses lec-