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L’ISTHME DE PANAMA.

Cette condition d’un canal maritime qui permette aux navres européens ou anglo-américains de se rendre, sans rompre charge, d’un océan à l’autre jusqu’à Lima, à Acapulco ou à Macao, en entraîne une autre qu’il ne faut pas passer sous silence. Le canal devra être en jonction immédiatement avec la pleine mer. Je veux dire qu’il devra, par chacune de ses extrémités, déboucher dans un port offrant un mouillage suffisant aux navires, non pas seulement à une certaine distance du rivage, mais tout juste contre la terre ferme. En beaucoup de ports, à Panama, par exemple, le mouillage est un peu éloigné de terre. Le chargement et le déchargement s’opèrent par l’intermédiaire de pirogues ou d’autres alléges. Ce n’est qu’un médiocre inconvénient en un port qui est un terme de voyage : il en résulte un surcroît de frais pour déposer ou prendre une cargaison, et peu importe alors ; mais aux issues d’un canal océanique, ce ne serait rien moins qu’une interruption de la navigation. Le canal serait complètement dépouillé de son caractère maritime. Autant vaudrait une muraille en travers, de cent pieds d’élévation, par le beau milieu de la ligne du canal. Cette clause supplémentaire du programme ne sera pas aisée à remplir, et un savant capitaine de vaisseau de notre marine royale, qui revient des parages voisins de l’isthme, me disait avec infiniment de raison qu’elle lui semblait devoir donner plus d’embarras que le creusement même d’un canal de 5 à 6 mètres de profondeur entre les deux océans. Enfin ce caractère de canal maritime interdit les souterrains. Il faudrait, en effet, même en démontant les mâts de hune, des voûtes plus élevées que celle du Pausilippe, pour que des navires pussent s’y engager, à moins que les constructeurs ne trouvent un expédient pour rendre facilement mobile la mâture tout entière.

Nous ne mentionnons pas ici les soins qu’il faudrait prendre pour assurer la salubrité des terres que traverserait le canal. Quelque économie de temps qu’on dût trouver à venir chercher l’isthme, la plupart des navires le fuiraient si ce devait être un charnier. Mais

    organes moteurs des navires à vapeur, permettra de réduire la largeur des écluses destinées à les recevoir, puisqu’ils seront alors dégagés des grands et incommodes tambours qu’ils portent sur leurs flancs. On réduirait alors la longueur de la coque et on en augmenterait la largeur. Un paquebot de 450 chevaux pourrait dès-lors entrer dans l’écluse des vaisseaux à trois ponts, qui a 67 mètres 60 centimètres de long et 18 mètres 22 centimètres de large. Quant à la profondeur d’une écluse, elle a pour minimum absolu le tirant d’eau des navires auxquels elle est réservée, augmenté d’environ un demi-mètre, car il faut bien que ces navires restent à flot.