Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
REVUE DES DEUX MONDES.

vivacité extrême et n’admettent point de compromis toutes les fois qu’il s’agit du principe dont leur lutte s’inspire, savent à présent se décomposer dans les chambres, et former d’autres majorités sur le terrain neutre des questions industrielles et commerciales. C’est même là ce qui fait la fortune du ministère actuel, dont le chef, également suspect au parti libéral qui comptait autrefois sur lui, et au parti catholique qui le surveille de près, peut résister à la double action des attaques de l’un et des méfiances de l’autre, parce qu’il est venu au moment où la Belgique avait besoin d’un de ces esprits positifs, sans passion, qui donnent aux intérêts matériels le pas sur les principes politiques, et font avant tout les affaires d’un pays. L’ambition de M. Nothomb est de répondre à ce besoin ; il voudrait marquer son passage au pouvoir par quelque mesure commerciale qui lui méritât la reconnaissance des grandes industries. S’il peut espérer de conclure, non pas une union douanière avec la France (cette belle conception est hérissée de trop de difficultés pour que ses vues aillent jusque là), mais une suite de négociations qui aient pour effet d’étendre les débouchés trop restreints de son pays, il est probable que lui et le parti des intérêts matériels fermeront l’oreille aux clameurs de la contrefaçon et ne balanceront pas à la sacrifier. Comparée à la production de la fonte, de la houille, de la toile, la contrefaçon est une fabrique très secondaire, bonne seulement à servir de moyen de compensation dans un traité de commerce. En un mot, la contrefaçon n’est autre chose, à l’heure qu’il est, que l’appoint d’un troc d’industries auquel toute négociation avec la France donnera lieu ; elle ne doit donc point faire l’objet d’une convention séparée ; elle vaut tant en fer, en charbons, en toiles ; c’est un marché à débattre. Présentée différemment ou dans d’autres circonstances, la question pourrait être perdue par des lenteurs rebutantes et des prétentions inadmissibles. Mais que le public belge apprenne en même temps qu’une diminution de droits à l’entrée de la fonte ou des machines a été consentie par la France, et que la contrefaçon a cessé d’être, il ne s’élèvera pas une voix pour la plaindre ; ceux même qui en 1836 se sont montrés favorables à son existence n’hésiteront point à l’abandonner, la plupart ayant des intérêts bien plus importans engagés dans les grandes sociétés industrielles qui furent si fortement ébranlées par la crise financière de 1838. La contrefaçon seule jettera les hauts cris, et peut-être ne semblera-t-elle si fâchée que pour se faire payer plus cher sa défaite ; qui sait si même en ce moment elle n’attend pas avec une certaine impatience l’accomplissement d’une pareille mesure, puisqu’elle peut seule lui fournir l’occasion de se tirer honnêtement et fructueusement de la voie funeste où elle s’est précipitée sans espoir d’un meilleur avenir ?

Telle sera, selon nous, l’issue des démarches du gouvernement au sujet de la contrefaçon belge, pourvu qu’il les entame immédiatement, et qu’il ne fasse pas de l’abolition de cette industrie l’objet d’une négociation particulière ; et ne voit-on pas que, si dans le même moment l’autorité d’un noble