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LA CONTREFAÇON BELGE.

quatre spéculateurs à la fois, et lancé sur le marché belge avec une promptitude fabuleuse qui n’a pu s’obtenir qu’aux dépens de cette rigoureuse correction sans laquelle il n’y a pas de livres. Il fut un temps où la contrefaçon, moins troublée par la concurrence, trouvait le loisir d’imprimer avec soin les ouvrages dont elle s’emparait. Aujourd’hui, tous les contrefacteurs n’ont d’autre souci que de se gagner de vitesse, et il faut qu’un livre ait trouvé un débit considérable pour que cette coupable industrie se rappelle enfin qu’elle doit du moins le respect scrupuleux du texte aux écrivains qui la font vivre. Il n’est pas étonnant que le prix de vente du volume in-18, qui est le format type de la contrefaçon belge, n’ait cessé de décroître depuis 1830. Cet avilissement continu de ses produits sur le marché intérieur fera mieux ressortir que tous nos raisonnemens la condition désastreuse où elle est tombée. Il y a dix ans, le volume in-18 se vendait 3 fr. 50 cent. ; un peu plus tard, il ne valait plus que 3 francs, et dès-lors la dépréciation s’est accéléré au point qu’il n’a fait que passer par ce chiffre pour arriver à 2 fr. et même à 1 fr. 50 cent. Encore la progression descendante ne s’est-elle pas arrêtée là. Un éditeur imagina, il y a trois ou quatre ans, de publier sous le titre de Museum littéraire une collection de romans à 75 cent. la livraison, représentant la valeur de l’ancien volume in-18. Ce n’est pas tout : au moment où le rabais semblait avoir atteint ses dernières limites le chef d’une des trois grandes maisons de contrefaçon belge inventa, dans l’intérêt d’un journal politique qu’il venait de fonder, le volume à 35 centimes ou plutôt le volume gratis. Voici en quoi consistait cette belle combinaison. Tout souscripteur à ce journal avait droit à la distribution de cinquante-deux volumes par an, et comme trois autres journaux, afin d’amortir l’effet d’une concurrence si neuve, se virent forcés d’imiter son exemple, il y eut dans l’espace d’une année quatre feuilles quotidiennes à Bruxelles faisant cadeau à leurs abonnés d’un volume par semaine, ce qui, sur le pied de six mille abonnés en tout, aurait abouti, si tous avaient accepté cette combinaison, à un placement gratuit de trois cent douze mille volumes pour l’année entière[1]. Il ne faut pas croire que ce fussent des ouvrages devenus sans valeur qui se donnaient de la sorte ; cette distribution se composait au contraire des publications les plus nouvelles. Elle a cessé en grande partie depuis peu ; mais les effets en subsistent encore : l’opération faite, le volume à 35 centimes est resté. Telle a été l’issue invariable de toutes les entreprises de la contrefaçon. Depuis le jour où elle a commencé à exploiter l’avantage que les frais inférieurs de sa fabrication lui donnent constamment sur la librairie française, victime elle-même du principe qui fait sa vie, la contrefaçon belge n’a pu dans aucune circonstance arrêter la décroissance rapide

  1. Chaque volume ne comprenait à la vérité que 160 à 200 pages, et était fabriqué au prix incroyable de 12 1/2 à 15 centimes. La composition servait, après un premier tirage, à une édition plus élégante qui passait dans l’exportation.