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sorption de deux spécialités (comme on dit en style de comptoir), celles des ouvrages de droit et des livres de médecine[1].

La transformation en sociétés industrielles de la plupart des grandes maisons qu’elle avait fondées depuis 1815, a été un véritable coup de partie pour la contrefaçon. Bien qu’elle fût florissante et qu’on la considérât comme utile au pays pour le travail qu’elle fournissait aux fabriques grandes et petites qui dépendent de l’imprimerie, bien encore qu’elle n’eût point à craindre d’être inquiétée, comme nous l’avons dit, tant que dureraient les embarras diplomatiques du gouvernement belge, cette industrie était en assez mauvais renom pour prévoir qu’elle serait sacrifiée sans compensation dans les négociations que la Belgique entamerait tôt ou tard avec la France, car le moment approchait où la question commerciale allait dominer toutes les autres dans un pays essentiellement producteur privé de ses meilleurs marchés de consommation par la révolution même qui l’avait placé au rang des peuples. La contrefaçon a-t-elle agi en vue des dangers qui allaient menacer son existence ? Nous ne lui faisons pas l’honneur de le croire ; mais le hasard des spéculations a fait qu’elle a rencontré juste. Industrie mobile par excellence, elle se tenait prête à plier bagage, et annonçait qu’elle irait s’établir à Bois-le-Duc ou à Maëstricht aussitôt qu’on lui contesterait le droit

  1. Il ne sera pas sans intérêt de constater ici, par les propres estimations des fondateurs de ces sociétés, la valeur totale, quoique évidemment exagérée, de la contrefaçon, matériel et achalandage compris, à la fin de l’année 1837 :

    La société typographique, qui embrasse trois branches d’opérations, les publications littéraires, celles de droit et de médecine, a racheté, l’une 
     300,000.00 fr.
    897,000 fr.
    La seconde 
     410,145.07 fr.
    La troisième 
     186,839.17 fr.
    La société d’imprimerie et de fonderie, dont l’apport s’est composé de deux maisons de librairie et d’une fonderie en caractères, a payé aux anciens propriétaires de ces établissemens 
    760,000 fr.
    La société d’imprimerie et de papeterie a fait l’acquisition d’une seule maison de librairie au prix de 
    500,000 fr.
    La société générale d’imprimerie et de librairie (dissoute) assignait à son fonds de livres une valeur de 
    285,000 fr.
    La société encyclographique a représenté son matériel et sa clientelle primitive par la somme de 
    276,500 fr.
    Total 
    2,718,500 fr.

    Ainsi, de l’aveu de la contrefaçon, la valeur de son fonds et de sa clientelle, même si l’on tient compte des quatre maisons peu importantes non comprises dans ce tableau, n’atteignait pas le chiffre de trois millions en 1837, c’est-à-dire à l’époque de sa plus grande prospérité.