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Les Portugais, braves et entreprenans plus encore que les Espagnols, s’il est possible, cherchaient de leur côté le secret du détroit. Les deux voyages de Gaspar Cortereal, l’un en 1500, l’autre en 1501, étaient dirigés vers le nord, afin de découvrir le passage du nord-ouest de l’Océan Atlantique vers le Grand-Océan boréal, que depuis trente ans les Anglais ont recommencé à chercher avec des prodiges de patience, de courage et d’habileté. Quand Gaspar eut péri dans ces épouvantables mers, le second Cortereal, Miguel, fit en 1502 un voyage dans le même but et sans plus de succès[1]. Enfin, en 1517, le Portugais Magellan vint à Valladolid offrir ses services à la cour d’Espagne, et affirma qu’il avait connaissance d’un détroit entre l’Atlantique et le Pacifique, par le sud. Il disait l’avoir vu consigné sur une carte tracée par un géographe fameux de l’époque, Martin Behaim de Nuremberg. C’était une assez mauvaise raison, car d’où Behaim savait-il l’existence de ce détroit ? On confia cependant à Magellan une escadrille ; il partit, trouva en effet, à la fin d’octobre 1520, le détroit qui conserve son nom, et entra dans le Grand-Océan le 28 novembre de la même année. Mais ce passage était trop reculé pour faciliter les communications avec l’Asie ; il servit seulement à gagner le Chili et le Pérou, après que ces deux pays eurent été colonisés[2]. Il était d’ailleurs dangereux, et lorsque le cap Horn eut été reconnu par Lemaire et Schouten, envoyés par les Hollandais, jaloux de pénétrer aussi dans le pays des épices (1616), il fut abandonné par les navigateurs[3] qui préférèrent faire le tour de l’Amérique du Sud jusqu’au bout.

Exactement à l’époque où Magellan découvrait le détroit qui perpétue sa mémoire, Cortez conquérait le Mexique. Durant son amitié passagère avec Montezuma, il l’interrogea sur le secret du détroit, qui importait tant à sa cour, et sur la possibilité de trouver sur le littoral mexicain de l’Atlantique un mouillage moins mauvais que celui de la Vera-Cruz. Selon une dépêche de Cortez à Charles-Quint, du 30 octobre 1520, l’empereur mexicain, sur sa demande,

  1. Il y succomba pareillement, et son frère, l’aîné des trois, Vasqueanes Cortereal, gouverneur de Terceire, fit armer, en 1503, une caravelle à ses frais, afin d’aller à la recherche de ses frères Gaspar et Miguel. Le roi don Manuel l’empêcha de partir par un ordre formel.
  2. Ils ne le furent que quelques années après la découverte du détroit de Magellan. Le premier débarquement de Pizarre au Pérou est de 1526.
  3. Le détroit de Magellan s’ouvre par 52 1/2 degrés de latitude australe, c’est-à-dire bien loin de l’équateur. Le cap Horn est à 3 degrés plus loin vers le pôle.