qu’une autre mer existait non loin de là. Confondant toujours l’Amérique avec l’Asie, il exprimait le voisinage des deux mers dans la province de Veragna, où il venait de débarquer, en disant que certaines terres de Ciguare, dont il s’estimait très proche et qu’il croyait à dix journées seulement du Gange, étaient, par rapport à la côte de Veragua, sur l’Atlantique, dans la même situation que Tortose, sur la Méditerranée, à l’embouchure de l’Èbre, relativement à Fontarabie en Biscaye sur l’Océan. Mais Colomb ne vit pas de ses yeux l’Océan Pacifique. Cet honneur fut réservé à Vasco Nuñez de Balboa, l’un des hommes les plus étonnans qu’ait alors produits l’Espagne, si fertile à cette époque en héros dignes de l’admiration reconnaissante des peuples.
Je ne puis prononcer le nom de Balboa sans y joindre l’expression d’une commisération profonde. C’est un exemple amer des souffrances auxquelles furent voués presque tous les hommes qui jouèrent un grand rôle dans la découverte de l’Amérique. Ce nouveau monde a été vraiment enfanté dans la douleur de ceux qui le donnèrent à la civilisation européenne. Colomb dans les fers, Cortez délaissé, à la fin de sa vie, comme un obscur aventurier, et mourant consumé de chagrin, sont les deux grandes figures d’un tableau peu honorable pour l’espèce humaine. À côté d’eux mérite de figurer en une place apparente l’héroïque Balboa sur un gibet. Une petite colonie s’était établie à Santa-Maria sur l’isthme, et les colons avaient choisi Balboa pour leur chef, parce que c’était un homme d’une intrépidité sans égale et d’une activité infatigable. Jaloux de faire ratifier ce titre par la cour d’Espagne, Balboa exécuta des incursions chez les tribus voisines, et acquit ainsi la certitude qu’il existait un autre océan à peu de distance, à six jours de marche, lui disaient les Indiens, et ils ajoutaient que par là on se rendait à un empire qui abondait en or. Ils voulaient parler du Pérou. Balboa entreprit de pénétrer jusqu’à cette mer mystérieuse. Sa réputation de vaillance et de loyauté attira autour de lui une troupe d’hommes déterminés ; mais les difficultés du sol et les attaques des naturels retardèrent sa marche. Enfin, le vingt-cinquième jour, le 25 septembre 1513, du haut de la sierra de Quaregna, dont il avait voulu seul gravir le sommet, il aperçut la mer : c’était l’Océan Pacifique.
la première fois que Colomb abordait sur le continent américain. Jusqu’alors il n’en avait vu que les îles ; mais, dès le 24 juin 1497, Sébastien Cabot, envoyé par les Anglais, avait découvert le continent de l’Amérique du Nord.