de l’Histoire de France sous Mazarin, que les cours souveraines se sentaient à l’étroit dans les limites de leurs attributions, qu’elles entendaient profiter de la faiblesse momentanée de la royauté pour en élargir le cercle, qu’elles s’étaient unies dans un intérêt égoïste, auquel le prétexte banal de la réduction des tailles imprimait un faux air de noblesse et de générosité. Aussi n’est-il pas d’expressions méprisantes qu’il ne prodigue à la déclaration du 24 octobre 1648, qui émane des réunions de la chambre de Saint-Louis et des journées des barricades. Ce qui domine, d’après lui, dans l’édit de pacification dicté au conseil royal par la magistrature, c’est la haine des traitans qui n’est qu’un leurre jeté au pauvre peuple, la demande de la publicité des comptes qui cache un désir d’empiétement, la clause de la liberté individuelle qui n’a été stipulée que dans des préoccupations de caste. « En lisant, ajoute-t-il, les articles de cette capitulation consentie par un pouvoir qui s’était mis hors d’état de refuser, nous avons peine à comprendre pourquoi d’une part on était si fier, pourquoi de l’autre on se montrait si abattu ; car c’est à peine si nous y trouvons quelque disposition nouvelle, quelque garantie pour le public, quelque engagement de la royauté, et quelque moyen de protection ou de répression… L’esprit du parlement en toutes choses, sauf peut-être en ses intérêts particuliers, était de ne rien dire nettement ; il s’exprimait en énigmes, dont ses registres gardaient le mot. Ce qu’il se réservait surtout, c’était l’interprétation du texte, pour lequel il croyait toujours avoir des ressources infinies d’argumens et une grande provision d’exemples. Ceci se voit très clairement dans l’article de la sûreté publique : les termes dans lesquels il est couché ne feraient certainement pas soupçonner la longue dispute dont il est sorti, et quand on a lu le détail de cette dispute, on ne peut croire que c’en soit là l’issue. Des gens plus attentifs que ne le sont ordinairement les historiens auraient grand sujet de s’y tromper, et les nombreuses méprises dont les livres sont pleins en cette occasion ne sont pas de celles qui nous étonnent. » La dernière phrase de cette appréciation sobre et rapide a, comme on voit une tournure singulièrement rude et hautaine. On y sent percer contre les publications antérieures une mauvaise humeur mal déguisée sous la bonhomie affectée et, malgré tout, fort cavalière de l’expression. À qui s’adresse l’allusion ? Il faut bien l’avouer, elle va droit à un esprit éminent, à M. le comte de Sainte-Aulaire, qui écrivait en 1827 : « La déclaration du 24 octobre 1648 a laissé si peu de trace dans notre histoire, ses principes ont été si complètement mis en oubli pendant les règnes de Louis XIV et de Louis XV, qu’on a peine aujourd’hui à concevoir son importance. C’était cependant une grande révolution, que celle qui associait la magistrature à la puissance législative et souveraine. Peut-être le parlement de Paris n’avait-il pas compris lui-même toutes les conséquences des concessions qu’il arrachait à l’autorité royale. Peut-être était-il arrivé à ce but sans plan de conduite, sans idées générales de gouvernement, poussé par l’esprit de corps plutôt qu’animé par un patriotisme éclairé. Mais, quoi qu’il en soit, les articles délibérés en la chambre de Saint-Louis avaient proclamé les vrais principes de
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CRITIQUE HISTORIQUE.